Robert Bellefeuille : Règlement de comte
Scène

Robert Bellefeuille : Règlement de comte

Robert Bellefeuille prolonge l’aventure du Comte de Monte-Cristo.

Porter à la scène Le Comte de Monte-Cristo était une entreprise ambitieuse et risquée. Qu’à cela ne tienne, la dramaturge Elizabeth Bourget a réalisé un tour de force en transposant l’entièreté du roman-fleuve d’Alexandre Dumas père en deux pièces. En novembre 2003, Robert Bellefeuille dirigeait la première partie, celle où Edmond Dantès, un jeune marin trahi par trois hommes qu’il croyait ses amis, est arrêté le jour de ses noces et emprisonné durant 14 ans pour un crime qu’il n’a pas commis. En nomination pour les prix de la mise en scène et de la meilleure production montréalaise dans le cadre de la 11e Soirée des Masques qui se déroulera le 30 janvier prochain, le spectacle a non seulement obtenu l’aval du public et de la critique, mais il a su répondre aux attentes des plus férus admirateurs de Dumas, et ce, peu importe leur âge.

Depuis quelques années, le Franco-Ontarien Robert Bellefeuille travaille de façon plus assidue dans les institutions théâtrales montréalaises. En avril, au Théâtre d’Aujourd’hui, il va créer Jouliks, la plus récente pièce de Marie-Christine Lê-Huu. Actuellement, il peaufine la suite des aventures du Comte de Monte-Cristo. "Au fond, c’est Monte-Cristo, le metteur en scène de la deuxième partie", déclare humblement le véritable metteur en scène de la production. Devenu richissime grâce au trésor de l’abbé Faria, Dantès se forge une nouvelle identité. Sous les traits du comte de Monte-Cristo se cache un homme blessé, un écorché vif déterminé à obtenir réparation. "Dotée d’une redoutable intrigue, la deuxième partie est beaucoup plus dramatique, affirme le metteur en scène. Pourtant, même si Monte-Cristo met à exécution un plan de destruction, il ne faut pas faire du personnage un individu machiavélique et insensible. S’il se venge, c’est à cause de sa douleur. Il tente de reprendre la vie qu’on lui a enlevée. D’ailleurs, une fois vengé, il se demande encore s’il a le droit d’être heureux."

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Loin de céder à la pression qui pourrait entourer la réalisation d’une telle suite, le metteur en scène paraît plutôt confiant: "Le premier spectacle a confirmé que l’histoire est extraordinaire, déclare-t-il. Je n’ai qu’à la raconter avec mes acteurs. Je n’ai pas à essayer de mettre des artifices, de m’interposer, de faire une relecture de l’œuvre. Je me contente de colorer la représentation de mon énergie et de mon rythme." Il semble que les balcons, colonnes et moulures dorées du Théâtre Denise-Pelletier, un cinéma construit en 1929, trouvent leur prolongement dans la scénographie de Patricia Ruel, les éclairages de Nicolas Descôteaux et les costumes de Sarah Balleux. "L’action se déroule à Paris, dans une certaine opulence, rappelle Bellefeuille. Le vocabulaire que nous avons choisi est davantage celui de l’opéra. Les acteurs portent des capes et des loups. Comme au bal, ils se masquent et se démasquent. En passant d’une alcôve à l’autre, ils arrivent à créer une multitude de lieux."

Pour mener à bien cette fresque colossale, le créateur bénéficie d’une imposante distribution: 17 jeunes acteurs, dont plusieurs étaient de la première aventure. Ainsi, François-Xavier Dufour défend Monte-Cristo, Geoffrey Gaquere retrouve le perfide Danglars et Simon Rousseau renoue avec Villefort. "C’est un luxe pour un metteur en scène de travailler avec 17 acteurs, lance Bellefeuille. C’est aussi un grand privilège pour un comédien de porter le même personnage pendant un an et demi." Comment conserver la cadence d’un spectacle dont les 87 scènes totalisent trois heures de représentation (incluant un entracte)? "Il a fallu trouver le souffle de cette fresque, confie le metteur en scène. Un peu comme dans une course à relais, les comédiens se transmettent l’énergie. Ils la reçoivent, la transforment et la redonnent. On a toujours travaillé dans un esprit d’équipe. Les acteurs jouent, narrent, déplacent un meuble, tirent un rideau… Voilà pourquoi je dis que le spectacle est littéralement porté par ces 17 personnes. On y perçoit, dès le début, une énergie purement théâtrale."

Alors que l’action bondissante du Comte de Monte-Cristo a tout pour séduire le public adolescent du TDP, le metteur en scène ose croire que le spectacle emmènera certains spectateurs à s’interroger sur les limites de la vendetta: "J’espère que les jeunes se questionneront sur les dommages collatéraux occasionnés au nom de la justice. Qu’ils se demanderont jusqu’où peut aller la vengeance."

Du 21 janvier au 5 février
Au Théâtre Denise-Pelletier

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