Six Personnages en quête d'auteur : La grande illusion
Scène

Six Personnages en quête d’auteur : La grande illusion

Six personnages en quête d’auteur trouve, chez Marie Gignac, metteure en scène, et ses complices, un territoire hautement ludique. De ce texte brillant, ils font une véritable fête pour l’intelligence.

De l’être humain ou du personnage de théâtre, qui est le plus vivant? le plus réel? L’humain changeant, mortel, ou le personnage immuable, éternel? Aussi folles puissent-elles paraître, ces questions que pose Six Personnages en quête d’auteur ouvrent sur des réflexions d’une profondeur parfois un peu étourdissante.

La pièce de Pirandello, on le sait, nous invite dans les coulisses du théâtre pour assister à une répétition. Le plateau est dépouillé, le système d’éclairage visible, les comédiens en vêtements de tous les jours. Cette répétition qu’on nous présente a toutes les allures d’une vraie séance de travail. Et pourtant. On le sait bien, on est devant un spectacle; mais tout ce qui le constitue, de la scénographie, et de son apparent degré zéro, au talent et à l’espièglerie d’une équipe emportée par le bonheur du jeu, contribue à nous maintenir, dupes consentantes, entre réalité et illusion. C’est là un des grands plaisirs du spectacle: cette espèce de boucle infinie, de jeu de miroirs qui nous place constamment dans la fiction de la réalité, et dans la réalité de la fiction.

Arrivent bientôt des personnages abandonnés par leur auteur qui, avant même d’être incarnés par des comédiens, réclament de raconter leur histoire. Les deux mondes entrent alors en collision. Les comédiens de la pièce, naturels, décontractés, sont surpris et souvent amusés par les personnages délaissés; les personnages, aux maquillages soulignés et aux vêtements sombres, bouleversés et intenses, issus, semble-t-il, d’un univers intemporel, sont brusqués par le déroulement de la répétition, mais blessent à leur tour les comédiens, en riant de leur performance lorsqu’ils tentent de les interpréter. Étincelles, donc, source de fin comique, entre ces deux mondes interdépendants mais pourtant opposés, comme le montrent aussi les différents niveaux de langue.

Si le début mériterait d’être un peu resserré et surtout, ajusté sur le plan du volume, si le texte comprend quelques longueurs, ce spectacle est un régal. Texte intelligent, jeu enthousiaste des 16 interprètes, très belle finale et aussi, plusieurs surprises, dont une de taille, ménagées à l’intention des spectateurs: un plaisir!

Jusqu’au 5 février
Au Grand Théâtre

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