Jean Bélanger : Scène d’hiver
Le metteur en scène Jean Bélanger aime bien l’idée de sortir le théâtre des institutions. Entre cela et jouer dehors, il n’y avait qu’un pas à franchir… celui de la porte!
À l’instar de ce qui est souvent le cas en arts visuels, c’est l’envie d’occuper un lieu qui se trouve à l’origine du projet inusité de présenter Le Conte d’hiver de Shakespeare dans la cour intérieure du Sacrilège. "C’est un endroit que je fréquente, alors l’idée m’est venue spontanément, j’ai vu les possibilités, relate Jean Bélanger. Après, j’ai pensé à cette pièce et j’ai pris son titre au pied de la lettre…" Si bien que l’histoire d’amour impossible entre le prince et la paysanne se déroulera ici dans la neige. "En fait, c’est surtout un événement théâtral que je veux créer", précise le metteur en scène, qui qualifie le texte, resserré par Serge Bonin pour une représentation d’une heure et quart environ, de léger et joyeux. "Je désire me rapprocher des gens. J’ai l’impression qu’en présentant un spectacle chez eux, je vais rejoindre un public qui ne va pas au théâtre normalement. Mais aussi, je veux montrer qu’on est capables de faire des choses intéressantes dehors; qu’on n’a pas qu’à subir l’hiver, qu’on peut également en profiter."
C’est ainsi que, chaque soir, une cinquantaine de spectateurs réunis dans une ambiance de cabaret pourront apprécier le charme de la blanche saison bien au chaud sous la verrière du bar. "Ce que j’ai essayé de faire avec Geneviève (Tremblay, la scénographe), c’est de mettre la neige, la glace en évidence, explique-t-il. La raison pour laquelle je monte ce spectacle à l’extérieur, c’est pour pouvoir travailler avec les éléments. J’ai une patinoire dans mon aire de jeu, les décors sont en neige… Cette matière-là bouge, vit." Un environnement dont il tenait d’ailleurs à exploiter le potentiel au maximum. "Comme metteur en scène, le défi était de faire en sorte que cette histoire ne puisse pas se passer ailleurs que dehors, ajoute-t-il. Cette question m’a beaucoup préoccupé. Maintenant, ce que je voudrais, c’est qu’il y ait des variations de température; qu’un soir, il fasse tempête, qu’un autre, on soit à l’aise, qu’il y ait des bourrasques de vent… Ce serait merveilleux!"
Quant aux sept comédiens qui ont accepté de prendre part à l’aventure, ils seront appelés à repousser leurs limites, non seulement sur le plan physique, alors qu’ils devront affronter le froid, mais aussi sur celui de l’interprétation, avec un décor mouvant et contraignant. "Ils doivent être capables de s’ajuster à l’espace et faire preuve d’une grande disponibilité, parce qu’on ne sait pas quelle température il va faire." Sans compter que le fait d’être séparés des spectateurs par des fenêtres altère également les conditions théâtrales classiques, et ce, même si le système de micros leur permet d’entendre le public. "Au moins, ça nous réunit dans un même lieu, observe-t-il, mais c’est sûr que le quatrième mur est très épais. On essaie de garder le contact, d’entretenir une relation avec les gens par-delà la vitre. Mais les comédiens vont-ils arriver à la traverser? À faire du "Alice au pays des merveilles" pour aller de l’autre côté du miroir? Ça reste à voir…" Mystère et boule de neige, quoi!
Du 30 janvier au 15 février
Au Sacrilège
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