La Savetière prodigieuse : Prends garde à toi
La Savetière prodigieuse, un ravissant hommage à la scène.
En se portant à la défense de La Savetière prodigieuse, une fantaisie théâtrale méconnue de Federico Garcia Lorca, Martine Beaulne démontre qu’elle a autant de talent que de flair. Bénéficiant d’un équilibre exceptionnel, sans l’ombre d’un temps mort, sa mise en scène paraît tout simplement irréprochable.
Avouons d’emblée que la performance de Nathalie Malette, car il s’agit bien là d’une performance, impressionne tout particulièrement. Incarnant toutes les nuances de son personnage, insufflant humour et esprit à sa partition, la comédienne trouve un rôle qui lui sied à merveille. On la savait dotée de fortes aptitudes vocales, on découvre qu’elle possède un timbre angélique, une voix qui module superbement la naïveté et la tristesse de la jeune femme qu’elle campe. Son interprétation cautionne à elle seule le déplacement. À ses côtés, Jacques Godin défend d’abord un savetier correct, puis un bateleur irrésistible. Parmi les rôles secondaires se distinguent Simon Boudreault et Marie-Ève Pelletier, des artistes qui semblent détenir tous les talents.
Malgré leur apparente simplicité, les judicieuses chorégraphies flamencos de Lina Moros enrichissent significativement le discours du spectacle. Émergeant tout naturellement du récit, les exquises musiques de Silvy Grenier impriment un rythme unique à la représentation. Alors que Mérédith Caron a conçu des costumes aussi beaux qu’efficaces, le décor de Claude Goyette fait preuve d’une sobriété plus que bienvenue. Perçant les rideaux de chaussures et de verres imaginés par le scénographe, les éclairages lunaires de Michel Beaulieu enchantent. La magie des marionnettes de Richard Lacroix, dont André Laliberté (directeur artistique du Théâtre de l’Oil) supervise les allées et venues, opère grandement. Quelle merveilleuse idée que de permettre à ces attendrissantes créatures de fouler les planches du TNM!
Parce que tous les arts de la scène y sont pertinemment conviés, mais surtout parce que les choix de Martine Beaulne révèlent le souffle profond de l’œuvre, le sang rouge et bouillonnant qui l’irrigue, La Savetière prodigieuse offre une inestimable incarnation aux idéaux de Lorca.
Jusqu’au 5 février
Au Théâtre du Nouveau Monde
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