Pascal Contamine : L'ombre de l'épervier
Scène

Pascal Contamine : L’ombre de l’épervier

Pascal Contamine, l’homme au cerveau toujours en ébullition, s’attaque cette fois-ci au mythe de Prométhée.

Nous connaissons le pauvre Prométhée, condamné à se faire dévorer le foie par l’aigle de Zeus. Il aura fallu que Pascal Contamine, fondateur du CIRAAM (Ze Bouddha’s Show et Five Wolf Deavtov Circus), y plonge son nez pour que le mythe fourmille de concordances à saveur politique.

"Le point de départ du spectacle, c’est pourtant une photo des prisonniers de Guantanamo", précise l’auteur et metteur en scène horrifié par la déprivation sensorielle effectuée dans certaines prisons. "Les prisonniers ont les yeux bandés, la bouche et les oreilles bouchées des jours entiers. Il semble qu’après quelque temps, ils deviennent fous. Cette photo est apparue en même temps que les premières déconfitures de la guerre en Irak, relate le sociologue de formation. Je me suis alors penché sur l’hégémonie sous toutes ses formes."

En mettant la main sur une version du mythe de Prométhée enchaîné, Contamine réalise que la critique sociale qu’il cherche à dépeindre s’y retrouve étrangement. "Les empires hégémoniques ont souvent eu un oiseau rapace comme emblème. Jules César, les nazis, le tsar de Russie, et, bien sûr, les Républicains avec le faucon. La métaphore de la torture sous forme d’un aigle m’a donc sauté au visage", explique celui qui propose aujourd’hui une version actualisée du mythe. Le metteur en scène a d’ailleurs choisi de souligner la notion de corruption qui s’y cache. "Ça débute avec l’élection de Zeus. Dans le mythe, Prométhée aide Zeus à destituer Chronos par la ruse. Il est évident qu’on s’est amusé avec ça, confie Contamine avec un sourire qui en dit long. Zeus offre ensuite à Prométhée un poste sur la terre mais une femme lui tiendra tête. L’alliance que l’on connaît sera alors formée entre Prométhée et les humains." Le demi-dieu volera en effet la science (le feu) aux dieux afin de la donner aux Hommes. Mais Zeus n’acceptera pas ce nouvel état de fait, et le traditionnel jet de foudre deviendra ici une expédition militaire punitive.

Contamine annonce d’ailleurs plusieurs autres corrélations politiques. Le feu pourra être vu comme une métaphore du nucléaire, tandis que l’impuissance de l’ONU et le phénomène du terrorisme international seront également évoqués. "Il y a beaucoup de parallèles à faire", s’exalte Contamine, qui se défend toutefois de faire du théâtre pour initiés. "Je tente de créer des œuvres artistiques qui ont plusieurs niveaux de compréhension. Les gens qui ne voient pas toutes les références politiques doivent aussi passer un bon moment de théâtre. C’est le défi."

Si le propos semble déjà dense et foisonnant, on n’en attend pas moins de la forme de ce nouvel objet du CIRAAM. La suite de tableaux s’annonce aussi éclectique que ses personnages. Prolongeant la tradition du pseudonyme en signant Thomas Alexandre, Contamine annonce avoir écrit une tragédie. Non moins clownesque que ses autres créations, Dossier Prométhée semble vouloir suivre le schéma tragique conventionnel avec un chœur et son coryphée. Mais l’auteur reconnu pour la création de personnages-concepts donne aussi la parole à la Raison et à la Folie. Si nous ajoutons à cela des marionnettes, de la musique et de la danse africaine et contemporaine – les acteurs ayant bénéficié d’ateliers avec, entre autres, la chorégraphe Manon Oligny -, nous sommes bel et bien dans l’univers bigarré de Contamine. Attachez vos tuques! Avec, notamment, Sharon Ibgui, Justin Laramée, Marc Mauduit et Ariel Ifergan.

Du 2 au 12 février
À Espace Libre

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