L'Aigle à deux têtes : Mouvements de la passion
Scène

L’Aigle à deux têtes : Mouvements de la passion

L’Aigle à deux têtes, pièce de Jean Cocteau mise en scène par Marie-Thérèse Fortin, passe comme un rêve. Plein de beauté, d’ombre, de pureté.

Une chambre sombre, une nuit d’orage; paraît bientôt une reine, fantasque et désespérée. Célébrant un rituel étrange, elle est interrompue par un anarchiste venu la tuer. Rencontre fulgurante: la passion naît.

Après ce début plein de mystère, de mouvements contraires et d’émotions tues, la tragédie se met en marche, avance et balaye tout, précipitant les personnages vers l’issue inévitable. L’intensité du drame est bien servie par la mise en scène de Marie-Thérèse Fortin qui, attentive à la violence des émotions et à la profondeur du conflit, laisse toute la place au texte et à l’interprétation, présentés dans un décor et des costumes simples (Christian Fontaine, Isabelle Larivière). Autre signature de la metteure en scène: la place accordée à Tony, serviteur sourd-muet de la reine. Dans ce rôle, Kha, comédien mais surtout danseur, ajoute une large part de beauté au spectacle. Communiquant par gestes et par larges mouvements avec la reine, il passe dans la pièce comme un morceau de poésie pure, un peu énigmatique. Cet être, le plus proche de la souveraine, semble parfois son double, devenant presque, par moments, la pulsation même de son cœur.

Malgré quelques passages moins convaincants, l’interprétation est en général de grande qualité. Soulignons, absolument, la prestation de Sylvie Drapeau, magistrale dans le rôle de la reine exaltée, imprévisible. Dans son jeu affleurent fébrilité et désespoir, fougue et passion; son interprétation est puissante, vibrante, avec des modulations inattendues.

Le texte est vraiment magnifique: images très fortes, réflexions frappantes, sur la beauté des choses ou la petitesse des hommes. De nombreuses coupures ont été faites au texte original, concentrant l’action. Si certaines scènes en ressortent épurées, plus fortes, d’autres, cependant, semblent un peu en souffrir. C’est le cas d’un passage essentiel qui, le texte atteignant trop rapidement son but, perd un peu en crédibilité, tant sur le plan du jeu que sur celui de la logique des personnages.

Si le spectacle présente, malgré de grandes qualités, quelques moments moins réussis, on en ressort profondément touché par cette grande histoire d’amour. Et ébloui par le crescendo final, sublime et terrible.

Jusqu’au 19 février
Au Théâtre de la Bordée

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