Transitions : Rites de passage
Scène

Transitions : Rites de passage

Mark Eden-Towle, Katia Gagné et Alex Veilleux signent Transitions, une première création en trio.

Katia Gagné a pris part à plusieurs des spectacles de Carbone 14, Alex Veilleux écrit pour la télévision et Mark Eden-Towle danse pour la Compagnie Marie Chouinard. Ces trois artistes accomplis ont choisi, en toute connaissance de cause, de se mettre en danger, de communier à la grisante angoisse de la création. Dans l’espace inspirant du Bain Mathieu, les trois concepteurs et leur équipe s’apprêtent à dévoiler Transitions, un théâtre d’images qui aborde la notion de territoire en s’efforçant de mélanger les genres.

Trois personnages se tiennent au centre de ce spectacle, trois protagonistes qui vivent un moment charnière de leur parcours et dont les agissements influenceront la trajectoire des autres. Documentariste et globe-trotter, Janne (Gagné) est lancée sur la trace du peuple ozari. Son conjoint David (Eden-Towle) enseigne l’histoire de l’archéologie. Linguiste, Gabriel (Veilleux) est un ami du couple qui renie ses origines amérindiennes. À ce triumvirat s’ajoute Briegha (Marie-Claude Sabourin), une nomade ozarie porteuse de tout le savoir de ses ancêtres. "Nous voulions dès le départ rompre avec l’intellect, explique Alex Veilleux. Pour y arriver, nous avons créé un jeu de cartes orné de symboles, une espèce de tarot qui nous permettait d’imaginer sans faire appel à nos réflexes, sans avoir recours à des univers qui nous étaient familiers." "Chaque fois que nous étions perdus, nous revenions au jeu", spécifie Katia Gagné. "Ce qui reste de ces cartes, ce sont les ruptures de ton entre certaines scènes, précise Veilleux. Bien qu’on ait préservé cet effet du hasard dans la structure même du spectacle, il y a dorénavant un fil narratif, une véritable histoire à laquelle nous tenons."

Les deux artistes ne tarissent pas d’éloges envers leurs précieux concepteurs: la prolifique éclairagiste Lucie Bazzo, présente depuis le départ, Stéban Sanfaçon, qui signe les costumes et le décor, Dino Giancola à la musique et Mathieu Leblanc à la vidéo. Grâce à eux, l’action du spectacle glisse de l’intimité quotidienne d’un appartement à l’immensité d’une terre ancestrale, en passant par la froideur d’un aéroport. Bien que la pièce aborde l’amitié et la communication, il semble que le territoire en soit la notion-clé. Du couple jusqu’à la planète, de la sédentarité au nomadisme, toutes les significations du territoire y sont explorées. "Les nomades sont toujours de passage, souligne Veilleux. Pour eux, la terre n’appartient à personne. Tout ce qu’ils possèdent, leur richesse, ils la traînent sur eux. On avait besoin de parler de cette réalité. Nous nous intéressons aussi beaucoup aux peuples en voie de disparition." Difficile de ne pas penser ici au documentaire de François Prévost et Hugo Latulippe, Ce qu’il reste de nous. Les concepteurs avouent qu’il s’agit d’une grande inspiration, une preuve que ces préoccupations se trouvent plus que jamais dans l’air du temps. S’ils ont choisi d’inventer la nation ozarie, sa langue et ses symboles, c’est pour éviter que la pièce ne devienne politique, que sa portée en soit restreinte.

Sans chercher à traduire une époque, les créateurs de Transitions semblent avoir mis le doigt sur une réalité éminemment contemporaine. "Le mot "transition" revenait si souvent pendant le processus que nous avons fini par comprendre qu’il fallait donner ce titre au spectacle, confie Gagné. Actuellement, le monde entier est en transition!" "Ces transitions ont lieu à un niveau individuel tout autant que collectif, précise Veilleux. Nous nous sommes rendu compte que cet état de réévaluation et de fébrilité avait beaucoup de résonance chez les 30-40 ans à qui nous parlions du spectacle."

Du 3 au 12 février
Au Bain Mathieu

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