Véronique Côté : La société des poètes disparus
Scène

Véronique Côté : La société des poètes disparus

Véronique Côté, récipiendaire d’un Masque pour sa mise en scène d’Une année sans été, assumera également le rôle d’Anna lors de sa reprise au Périscope. Double défi.

Créée au Centre international de séjour en 2003 puis présentée lors du dernier Carrefour international de théâtre, la production Une année sans été du Théâtre [mo] nous revient avec ses allusions à la vie et à l’œuvre de Reiner Maria Rilke, l’auteur de Lettres à un jeune poète. Les chemins de cinq protagonistes se croisent à Paris, peu avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. "C’est une espèce de journal de ces rencontres qui vont les changer, observe Véronique Côté, un moment charnière de leur existence. Et ce sont de très beaux personnages, très riches, représentant tous, dans une plus ou moins grande mesure, différents aspects du poète."

Pour de jeunes comédiens, qui en étaient eux-mêmes à un tournant de leur vie, le sujet semblait donc tout à fait approprié. "Quand on a décidé de monter la pièce, on finissait le Conservatoire, relate-t-elle. Ça m’a semblé très en phase avec ce que je ressentais. C’est une pièce sur la jeunesse, sur le commencement de la vraie vie. Ça parle de la difficulté d’être, de créer, d’aimer aussi. Des interrogations qui ne sont pas propres à la jeunesse, mais qui sont décuplées par elle. En fait, la question que pose Une année sans été, c’est: "Comment on fait pour vivre?"" Autant dire que le propos demeure actuel, et ce, sur plus d’un plan puisque, comme elle l’explique, "le spectacle ne parle pas de la guerre, sauf qu’on y voit tout ce qu’elle vient faucher. Et je pense que ça, ça ne change pas, quels que soient la guerre, l’époque ou le pays. En même temps, je crois que c’est une pièce qui donne le goût de vivre".

Par ailleurs, c’est également l’écriture de Catherine Anne qui a su séduire cette compagnie pour laquelle le texte revêt une importance déterminante. "C’est écrit dans un langage très poétique, rempli d’images", note la metteure en scène, en s’empressant cependant de nuancer, afin de ne décourager personne: "Mais je dirais qu’on a travaillé pour et contre cette poésie parce qu’on ne voulait absolument pas tomber dans le lyrisme. Ce qui fait qu’on a vraiment cherché à s’approprier la langue. Parce que les personnages ne sont jamais conscients de dire de la poésie. Pour eux, c’est la seule façon possible de s’exprimer." Quoi qu’il en soit, elle tenait à ce qu’au-delà des mots, ce soit également à travers les gestes que se manifeste cette saveur particulière. "On a fait un travail sur la poésie dans l’espace, c’est-à-dire qu’en littérature, la poésie naît du choc entre des mots qu’on n’associe généralement pas ensemble, alors on a essayé de faire la même chose dans l’espace, en associant des actions pour créer des chocs de sens sur le plan visuel. Somme toute, la mise en scène demeure assez réaliste, sauf qu’on a tenté de l’émailler de petites percées dans un univers plus poétique, comme si, tout à coup, la réalité intérieure des personnages faisait éruption. Pour moi, l’idée était de créer un tout, que le spectacle qu’on voit soit le même que celui qu’on entend", conclut-elle. Un concept qui, à en juger par le chemin parcouru, semble tenir la route.

Jusqu’au 19 février
Au Théâtre Périscope

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