Marianne Weems : Pensée magique
Scène

Marianne Weems : Pensée magique

Alladeen permet à Marianne Weems de révoquer les idéologies de la mondialisation.

Marianne Weems pratique son art dans les théâtres new-yorkais depuis la fin des années 80. De 1988 à 1994, elle assurait les fonctions de dramaturge et d’assistante à la mise en scène au sein du Wooster Group, un collectif d’avant-garde qui a profondément révolutionné la pratique théâtrale américaine. En 1994, elle prenait part à la fondation de la Builders Association, une compagnie dont elle assume depuis la direction artistique. "Chaque artiste possède une généalogie, déclare dans un échange électronique la metteure en scène attitrée de la compagnie. Pourtant, dans mes projets actuels, je considère que cette influence est négligeable." À sa feuille de route, la Builders Association compte à ce jour sept productions théâtrales à grande échelle. Après l’excellente réception réservée à Jet Lag par le public montréalais (lors de l’édition 2000 de l’événement Théâtres du Monde présenté par le Festival de Théâtre des Amériques), la troupe s’apprête maintenant à dévoiler Alladeen aux adeptes du Festival Montréal en lumière. Vaste démarche artistique en trois volets, cette incisive réinterprétation des légendaires aventures d’Aladin ne semble récolter que des éloges depuis sa création en 2003.

Alladeen est né d’une collaboration entre la Builders Association et motiroti, un collectif anglo-asiatique fondé à Londres en 1990 par Ali Zaidi et Keith Khan. "J’ai assisté en 1990 au premier projet de théâtre réalisé par motiroti, nous apprend Weems. En 2000, après avoir présenté Jet Lag au Barbican Centre de Londres, l’équipe de motiroti nous a proposé une collaboration." Voilà comment le savoir-faire d’une compagnie américaine spécialisée dans l’intégration des nouvelles technologies au sein de la représentation théâtrale s’allie à l’expertise des créateurs de la première comédie musicale de type Bollywood (pendant oriental d’Hollywood). Fruit d’une conception tricéphale, le projet Alladeen comporte également trois articulations: une pièce de théâtre, un vidéoclip et un site Web (www.alladeen.com). Marianne Weems explique: "Nous nous sommes d’abord entendus tous les trois sur le bassin de thèmes et d’images que nous allions employer. À partir de là, j’ai signé la mise en scène d’une performance théâtrale créée avec les artisans de la Builders Association, notamment le concepteur vidéo Christopher Kondek, la conceptrice d’éclairages Jennifer Tipton et le concepteur sonore Dan Dobson. De son côté, Ali Zaidi a dirigé la réalisation du site Web et du clip. Il était important pour nous que le projet franchisse les limites du théâtre – le site et le vidéoclip sont des moyens pour les gens sans accès ou intérêt pour le théâtre d’entrer en contact avec le projet."

VILLAGE GLOBAL

Pour réduire ses coûts de production, une société américaine crée des centres d’appel à Bangalore, en Inde, et demande à ses employés de se transformer en de parfaits téléphonistes yankees. Voilà la métaphorique anecdote qui sert de point d’ancrage à Alladeen. Des Mille et Une Nuits aux studios de Disney, les aventures d’Aladin subirent des métamorphoses bien extrêmes. Peut-on imaginer meilleur véhicule que le mythe du va-nu-pieds devenu roi pour aborder le choc des cultures et ses avatars? En troquant la magie de la lampe contre celle de la fibre optique, le spectacle interroge la mondialisation, la perte des repères, le brouillage actuel des identités et la soif de transformation personnelle. "Ce qui rend cette histoire si actuelle, précise la metteure en scène, c’est qu’elle contient à la fois les mythes du souhait instantanément réalisé (Internet), de la fortune éternelle (Donald Trump) et de la transformation personnelle (The Swan)." Renversante alchimie de musique électronique, d’installations, d’images de synthèse et de séquences vidéo, la représentation mérite malgré tout l’étiquette de théâtre. "Alladeen combine l’impact visuel du film, de l’animation et des nouveaux médias à l’urgence du théâtre, soutient Weems. Avec Jet Lag (1999) et Super Vision (2005), le spectacle appartient à une trilogie qui se penche sur les dilemmes numériques au sein de la culture contemporaine, il traite de technologie en employant la technologie." Ses créations ont beau parcourir le monde, la directrice artistique de la Builders Association conserve un vif souvenir de son précédent passage à Montréal: "Nous avons vécu une merveilleuse expérience en 2000, espérons que ce soit aussi bien cette fois!"

Du 15 au 19 février
À l’Usine C

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