Une année sans été : L’envol
Une année sans été, production du Théâtre [mo] mise en scène par Véronique Côté, nous transporte, en beauté, en finesse, dans un monde de sensibilité, d’humanité.
Cinq personnages: Gérard, qui veut devenir écrivain; Mlle Point, Anna, Dupré, Louisette, qu’il rencontre en chemin. Ils sont jeunes, à l’orée du monde adulte, hésitant au bord des décisions, des directions à prendre. Ils se croisent, se lient d’amitié, tombent amoureux, partent, reviennent. Découverte de soi, de l’autre, interrogations sur la vie, voyage pour découvrir ou pour fuir: tel est l’univers que, dans une langue poétique, l’auteure Catherine Anne aborde dans Une année sans été.
Au centre de tout, l’écriture, les mots, présents partout dans la pièce: lettres échangées, poèmes ébauchés, mots qu’on tape, qu’on écrit sur le mur ou qu’on forme du doigt dans l’air. Les mots vivent aussi dans le décor, collés un peu partout sur les murs.
Véronique Côté, récipiendaire du Masque de la Révélation pour cette mise en scène, sa première, signe ici un spectacle qui répond à merveille à l’univers poétique créé par l’auteure, le prolonge, même. Elle y parvient par la place, d’abord, accordée aux mots, et le soin appliqué à la direction d’acteurs. La metteure en scène, également interprète, et tous les comédiens (Sylvio-Manuel Arriola, Maryse Beauchamp, Emmanuel Bédard, Valérie Descheneaux) livrent une interprétation pleine de profondeur et de sensibilité. La poésie se retrouve aussi dans la mise en scène, mariant réalisme et métaphores, brèves envolées, dans les gestes, hors du quotidien, créant de fortes images. Y contribue également le décor (Jean-François Labbé), simple et polyvalent, évoquant à la fois une vie de mots et tous les lieux.
L’ensemble est lumineux: beau, plein de nuances, dans la mise en scène et le jeu, mais aussi dans le texte et les personnages, fragiles et, pour la plupart, purs, à la fois prêts à s’envoler et se retenant – ou retenus – au bord du nid. À l’extérieur, on l’apprend en fin de pièce, se prépare une autre rupture. La perspective de la Première Guerre mondiale, à peine évoquée, vient donner à ce qu’expérimentent ces jeunes vies un aspect encore plus précieux, poignant, définitif: l’époque de la naïveté, on le devine, se terminera brutalement.
Une année sans été ouvre un écrin de lumière, de chaleur, dans la solitude du monde.
Jusqu’au 19 février
Au Théâtre Périscope
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