Dominick Parenteau-Lebouf : L’acquittement
Dominick Parenteau-Lebœuf, qui recevait la Prime à la création du Fonds Gratien Gélinas pour Dévoilement devant notaire, nous revient avec La Petite Scrap, une autre pièce mise en scène par Marc Béland.
"Ça aurait pu être ma première pièce, avance Dominick Parenteau-Lebœuf. Ça fait très longtemps que je porte cette matière-là, faite de choses inconscientes mais aussi d’un fantasme meurtrier que j’avais durant l’enfance. Fantasme très barbare mais libérateur, dans lequel je tuais violemment des petits êtres innocents. L’aspect intéressant, c’est que je ne me sentais pas coupable car je savais bien que je ne réaliserais jamais ce fantasme. Je n’avais aucune raison de passer à l’acte: j’étais une enfant très aimée et très choyée. Mais je ne pouvais évidemment pas parler de cette idée car je voulais m’assurer l’amour autour de moi…" La Petite Scrap pose, à travers une situation pour le moins inhabituelle, la question de l’irréparable comme celle du pardon. Et au milieu des décombres, émerge aussi la lumière.
Après 10 ans derrière les barreaux, Jacob et Ludo, interprétés par Félix Beaulieu-Duchesneau et Guillaume Champoux, retrouvent leur liberté, ou ce qu’il en reste. Quand la pièce commence, ça fait neuf mois qu’ils ont été libérés et ils ont maintenant 19 ans. Sous de nouvelles identités, ils tentent de se refaire une vie malgré le fantôme du passé qui hante leurs consciences. Bien sûr, ils ne veulent pas récidiver, et ils aimeraient réparer l’irréparable. Seulement, il y a la mémoire qui a tracé son périmètre avec ses limites et ses clôtures, avec ses douleurs, et l’odeur de mort qu’elle transporte et qui la tient vivante. Ils ont tué un enfant lorsqu’ils étaient enfants et le passage à l’âge adulte s’est fait en taule. À sa sortie, Jacob loue une chambre chez Minnie (Émilie Dionne), qui porte aussi un drame: elle a perdu son bébé, et cette chambre qu’elle loue était la sienne. Son frère s’installe dans l’appartement d’à côté. Les trois, chacun à sa façon, tenteront de trouver le salut.
"On n’écrit pas une pièce à partir d’un fantasme; ça prend une anecdote, une histoire. Et voilà qu’un jour, se souvient l’auteure, je reçois une pétition à signer, en 2001 ou 2002, contre la libération de deux jeunes meurtriers anglais de Liverpool qui avaient gratuitement tué une enfant de deux ans et qui là, neuf ans plus tard, allaient être libérés. Sans trop réfléchir, j’allais signer. Et tout d’un coup, comme par illumination, je me suis dit: voilà mon histoire, c’est eux que je cherche. Parce qu’eux, ils l’ont fait et ils vont être libérés, mais ils vont vivre dans la vraie vie avec ça sur la conscience." Dominick a donc commencé à fouiller et à reconstituer toute leur histoire. Sans trop savoir comment, La Petite Scrap s’est mise en branle, inspirée en partie seulement par la véritable histoire des jeunes Anglais, mais surtout portée par l’imagination et le souvenir de ce fantasme et d’anciennes blessures. "L’écriture allait de soi, les scènes s’enchaînaient comme par magie."
Comment peut-on revenir de ça, comment la société vit-elle avec l’idée que ces gens sont dehors? La dramaturge née en 1971 n’a pas cessé d’y réfléchir: "Dans la famille de mon père est arrivé un gros drame quand j’étais jeune. Ma cousine a été assassinée et mon oncle comme ma tante ont pardonné. Parce qu’on l’a vécu de l’intérieur, on a été confrontés au pardon, à la rédemption. Et peut-être parce que j’ai été élevée en dehors de la religion, je me suis intéressée à cette thématique du pardon et j’ai approfondi ma réflexion comme on s’intéresse à un interdit, à un tabou."
Dominick Parenteau-Lebœuf est très bien entourée: Louise Turcot et Vincent Gratton (un retour au théâtre) font les parents et Marc Béland signe la mise en scène. "On a travaillé ensemble, Marc et moi, se relançant l’un l’autre. Quand on a présenté la pièce à Claude Poissant, on est venus à deux! C’était à prendre ou à laisser." On comprendra la décision du directeur du PàP…
Du 22 février au 19 mars
À l’Espace Go
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