Louise Lecavalier : 2e cycle
Louise Lecavalier, la légende de la danse contemporaine montréalaise, produit et crée Cobalt rouge. Une œuvre collective présentée au Théâtre Outremont.
Arrivé un peu avant l’heure prévue pour l’entrevue, je me suis assis sur le plancher de bois franc entourant le tapis de danse du studio où répétaient Louise Lecavalier et son équipe de production, en compagnie de leur répétitrice France Bruyère. Ne pas avoir été au fait du long parcours artistique de l’ex-danseuse étoile de La La La Human Steps, j’aurais pu m’y méprendre et croire, d’où j’étais, que c’était une jeune adolescente qui travaillait un duo avec le Japonais Masaharu Imazu, tant ses moindres gestes m’apparaissaient vifs et remplis de candeur.
Je me souviens que sur cette scène où il nous est permis de projeter le fictif, elle m’avait toujours semblé avoir la fougue et la taille d’un titan – ses gestes dynamiques, sa force inépuisable et sa grande crinière blonde découpant et meublant la trop grande neutralité de notre espace scénique occidental. Elle a longtemps été ce soleil adolescent auprès duquel plus d’une génération venait se rassembler. À la fin des années 90, elle a quitté La La La… et a eu deux petites jumelles; elle a pris du recul sur ces deux dernières décennies durant lesquelles elle est devenue l’une des figures les plus marquantes de la danse de cette fin de millénaire. De quelle manière a-t-elle décidé de remplir maintenant cet espace scénique?
On l’a revue lors d’une brève apparition à l’intérieur du projet Reclusive Conclusions and Other Duets (printemps 2004), dirigé par le chorégraphe-interprète Tedd Robinson, qui fait également partie de la distribution de Cobalt rouge. "Ce premier travail en compagnie de Tedd était comme une amorce, un territoire commun qu’on essayait de définir. J’ai senti, lors de cette première collaboration, que nous avions trouvé quelque chose et qu’il était possible d’aller plus loin avec ça, de développer davantage. J’avais ressenti le même genre de phénomène lorsque j’avais fait la pièce Orange… (1981), ma toute première création avec Édouard [Lock]." C’était d’ailleurs dans ce spectacle qu’on pouvait la voir pour la première fois effectuer ce fameux saut du baril (à l’époque encore très timide…), qui allait devenir par après, dans ses versions les plus extrêmes, la marque de commerce de La La La Human Steps.
"C’est certain que maintenant, lorsque les gens vont me regarder bouger, ils auront nécessairement le réflexe de faire le tri entre ce qui ressemble à du La La La… et ce qui semble être nouveau. Mais dans La La La… j’étais moi-même, autant que je suis moi-même actuellement. J’aime toujours autant la vitesse et les points de rupture dans le mouvement. J’ai ma propre manière de parler le geste. On ne peut pas faire abstraction de cela. Simplement, je crois qu’il est possible d’amener tout ça plus loin avec Tedd. J’aime travailler avec lui parce qu’on partage le même type de philosophie, de vision du monde. Je lui fais totalement confiance et c’est réciproque. Ça, c’est plus important que tout. Pour moi, la création passe d’abord par cette rencontre, cette complicité nécessaire."
AFFINITÉS ÉLECTIVES
C’est dans cette optique que s’est bâti Cobalt rouge, une suite de tableaux colorés par le caractère hétéroclite des interprètes. Parmi ceux-ci, Marc Boivin (un technicien polyvalent), Masaharu Imazu (une touche orientale), Tedd Robinson (plus théâtral) et, bien sûr, Louise Lecavalier. "Au départ, je voulais aussi la participation d’autres chorégraphes. La réponse était positive, mais les contraintes de temps ont fait que nous avons dû reporter cette idée à plus tard."
Du côté musical, la contribution du compositeur et saxophoniste Yannick Rieu sera mise à profit – comme c’était le cas dans Reclusive Conclusions… On pourra alors le voir et l’entendre faire résonner sur scène son instrument au diapason du mouvement des interprètes. Jean-Philippe Trépanier, également présent dans Reclusive Conclusions…, assumera pour sa part la conception des éclairages. Un travail toujours simple et efficace qui sait faire glisser la dimension chorégraphique vers un territoire inattendu, nous assure Louise Lecavalier.
Cobalt rouge prend l’allure d’une deuxième naissance pour la danseuse, comme celle du phénix qui renaît de ses cendres. Ou encore d’un procédé de transformation alchimique, comme s’il s’agissait des prémices d’une Ouvre au rouge – œuvre de passion -, dernière étape du processus qui mène à la découverte de la pierre philosophale…
Du 24 au 26 février
Au Théâtre Outremont