Noces de sang : Tropique nord
Le Théâtre de la Névrose monte les Noces de sang de Garcia Lorca, cette pièce violente où la distance froide typiquement nord-américaine prendra le pas sur le rythme andalou.
Les mots de Lorca résonnent encore au TNM que l’on accueille à la Salle Fred-Barry la reprise des Noces de sang du Théâtre de la Névrose. Voilà un heureux retour du poète espagnol. "Les auteurs européens du début du siècle ont été complètement éclipsés durant une longue période. Je crois qu’en tant que société, on a parfois besoin de recul pour redécouvrir certains textes", explique Stéphane St-Jean, qui a d’ailleurs signé la mise en scène de La Voix humaine de Jean Cocteau, présentée l’année dernière. Encore ici, l’amour sera éclaboussé de sang, alors que l’infidélité d’une femme andalouse entraînera la vengeance funeste de son fiancé et de son amant.
"Personnellement, j’avais de gros préjugés sur la pièce, particulièrement en ce qui a trait au folklore espagnol. L’appel du sang, le flamenco, les taureaux et le velours rouge, c’est très loin de moi. Mais la nature qui isole, la terre incultivable, la dureté des éléments, tout ça avait une résonance. Étant né en Abitibi, je lisais dans ce texte l’histoire de mes parents et grands-parents. La pièce était finalement beaucoup plus proche de moi que ce que j’avais cru au départ."
Stéphane St-Jean a donc voulu exploiter le parallèle et trouver des images plus proches de notre culture tout en gardant l’idée originale. "La froideur technique est probablement ce qui nous distingue comme société. Devant la violence de ce texte, la référence qui s’imposait à l’homme de 30 ans que je suis était la musique techno et le sentiment à la fois libérateur et agressif du rave. Nous avons donc créé un environnement technologique intemporel pour y transposer l’aridité de l’Andalousie. Nous sommes passés du chaud au froid."
La transposition s’arrête bien là, St-Jean voulant protéger la poésie du langage et la charge émotive d’une tragédie. "J’ai vraiment cherché à ne pas en faire un simple drame avec suspense. La force tragique n’est pas dans l’intrigue, elle est justement dans la prévisibilité du dénouement. Alors ici, puisque les dieux ne veulent plus rien dire pour nous, c’est le sentiment amoureux qui est porteur de fatalité. Il fait partie de ces forces plus grandes que nous et contre lesquelles nous ne pouvons rien."
Malgré l’apparent laxisme et l’éloge de la liberté individuelle qui priment au sein de la société actuelle, St-Jean reste convaincu qu’une telle pièce peut encore nous toucher. "La répression des passions est encore très contemporaine. Elle se situe seulement à un autre degré. On croit peut-être qu’il n’y a plus de tabous, mais on peut difficilement sortir de la norme. Ce n’est toujours pas un droit social acquis. Les mœurs évoluent peut-être, mais la morale ne suit pas toujours."
Du 22 février au 12 mars
À la Salle Fred-Barry
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