Stanislas Nordey : Forces majeures
Scène

Stanislas Nordey : Forces majeures

Stanislas Nordey signe Forces, sa première mise en scène en sol québécois.

À 38 ans, le metteur en scène français Stanislas Nordey possède un parcours impressionnant. Découvert en 1988 dans le versant off du Festival d’Avignon grâce à une relecture de La Dispute de Marivaux, l’artiste a tôt fait de franchir les portes des plus grandes institutions théâtrales françaises. De Nanterre-Amandiers au Théâtre Gérard Philipe, en passant par l’École du Théâtre National de Bretagne, il amalgame les engagements politiques aux audaces artistiques. Ardent défenseur des écritures dramatiques contemporaines, l’homme a également assuré la mise en scène de nombreux opéras. À ce jour, seules deux des quarante et quelques productions du créateur ont visité le Québec: J’étais dans ma maison et j’attendais que la pluie vienne de Jean-Luc Lagarce, au Carrefour international de théâtre de Québec en 1998, et Kopernikus de Claude Vivier, à l’Opéra de Montréal en 2001.

De passage à Montréal pour goûter à la nouvelle dramaturgie québécoise, Stanislas Nordey a rencontré un jour Wajdi Mouawad. Une dizaine d’années plus tard, alors directeur du Quat’Sous, Mouawad proposait au metteur en scène de créer en ses murs. "Nous passions de délicieuses après-midi à parler sans fin, se rappelle l’homme de théâtre français. Il me fit visiter le Quat’Sous comme on fait visiter sa maison et je me sentis emporté, pieds et poings liés, par un véritable désir de venir travailler à cet endroit, auprès de ces gens." Ainsi, accompagné de ses fidèles collaborateurs (Emmanuel Clolus à la scénographie et Philippe Berthomé aux éclairages), Nordey s’apprête à signer sa première mise en scène de ce côté-ci de l’océan. Sur le petit plateau du théâtre de l’avenue des Pins, le créateur dirige quatre acteurs québécois (Maxime Desmons, Stéphane Jacques, Marie-Ève Perron et Sonia Vigneault) dans la création nord-américaine de Forces, une pièce lapidaire que le poète allemand August Stramm, précurseur de l’expressionnisme, rédigea au cœur de la Première Guerre mondiale. "Quand je m’attaque à un texte, j’aime penser, à première vue, que c’est un cas désespéré, confesse le praticien. Pour ce projet, je voulais une découverte pour le public, pour les acteurs et pour moi, une vraie aventure, sans tricher. Un texte qui oblige les acteurs à s’aventurer hors de leur culture de jeu, pour que nous nous rencontrions sur un terrain neutre."

QUATUOR

"J’ai découvert Stramm grâce à Huguette et René Radrizzani, révèle le créateur. Ils m’ont parlé de leur passion pour cet auteur dont ils étaient en train de traduire l’œuvre. J’ai tout lu. Stramm, c’est un coup au plexus, une décharge électrique dans les doigts. Les auteurs de théâtre sont souvent trop sages. Stramm est poète avant d’être homme de théâtre, et au nom de la poésie, il se permet tout." Singulier et terrifiant, le texte fomente un affrontement d’une féroce concision. Dans une maison et un jardin, elle et lui – un couple – côtoient l’ami et l’amie. Voilà les premières notes d’un quatuor que la jalousie entraînera vers le pire, une angoissante lutte des sexes où résonne distinctement l’influence d’Ibsen, Strindberg ou Wedekind. "Stramm a écrit manifestement après eux, précise Nordey. Il les a lus et les prolonge tout en les rendant obsolètes. Il part de situations semblables, mais radicalise tout, va à l’essentiel. De ce théâtre bourgeois, un peu trop bien ordonné, il ne garde que l’os." Armé de ce théâtre radical, l’agitateur de consciences devrait trouver au Quat’Sous un porte-voix à sa mesure. "Je considère le spectateur comme un travailleur de la représentation, affirme-t-il. Je le respecte et, à ce titre, ne le laisse pas tranquille, ne cherche pas à le séduire, mais plutôt à l’intriguer, à l’inquiéter."

Du 21 février au 2 avril
Au Théâtre de Quat’Sous

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