Brigitte Haentjens : L'auteure et son double
Scène

Brigitte Haentjens : L’auteure et son double

Brigitte Haentjens, il y a quelques années, découvre les textes de Sylvia Plath. "Je suis tombée en amour, complètement, avec son œuvre ", confie-t-elle. De cette rencontre est né le spectacle La Cloche de verre.

Créé à l’hiver 2004, La Cloche de verre est une adaptation, pour la scène, du roman de l’auteure américaine Sylvia Plath (1932-1963), connue surtout pour ses poèmes. Écrivaine au destin tragique, dont la vie et le talent sont fauchés très tôt par la dépression et le suicide, Sylvia Plath y raconte une année de la vie d’Esther Greenwood, son double autobiographique. En 1953, Esther, jeune femme douée, gagnante d’un stage dans une revue féminine, se rend à New York pour y vivre quelques mois. Joie, découverte s’y mêlent avec solitude, dépression. Son drame: le désir de se conformer au modèle imposé à la femme de son époque en même temps que celui, impérieux, d’écrire, et de vivre autrement.

Pour Brigitte Haentjens, metteure en scène, cette contradiction est fondamentale dans le spectacle et dans toute l’œuvre de Plath. "Ce qui me touche le plus, c’est son incapacité à se conformer à un modèle: celui de la femme des années 50. C’est un carcan, c’est comme une prison dans laquelle le corps est enfermé, et qu’on a tenté de montrer par un travail physique très précis. Et on voit la tentative désespérée du personnage pour s’y conformer. Ça me bouleverse encore, rien que d’y penser. Pour moi, c’est très important de montrer la sensibilité de Sylvia Plath, sa fragilité, son intelligence, et en même temps, son incapacité à rentrer là-dedans, malgré sa volonté. Sylvia Plath, je la trouve "brillantissime". Pour moi, elle est comme un ange qui a les ailes brisées; c’est comme la représentation d’une déchéance qui me bouleverse. Ces femmes qui n’arrivent pas à vivre, ça me tue. Je ne sais pas ce que ça rejoint en moi, mais ça touche quelque chose de très profond."

Le spectacle est un soliloque, qu’interprète Céline Bonnier. Même si le roman est traversé par plusieurs personnages, les artistes ayant fait l’adaptation – la comédienne, la metteure en scène ainsi que Stéphane Lépine et Wajdi Mouawad – ont plutôt choisi le monologue, convenant parfaitement à la solitude où étouffe la jeune femme. Ainsi, sur scène, apparaît un seul personnage: Esther Greenwood?, Sylvia Plath? "Pour moi, ce qui est très clair, c’est que ce qu’on entend, c’est la voix de l’auteure, précise Brigitte Haentjens. Celle qui est sur scène, c’est Sylvia Plath: elle est en état d’écriture, et donc, se "déguise" en Esther, comme quelqu’un qui se place à l’intérieur d’un personnage quand il se met à écrire. Les autres personnages, c’est elle qui les entend. Je ne sais pas si c’est perceptible par tout le monde, mais ça a guidé mon travail, mes choix: pour l’interprétation, pour la scénographie, aussi. "

La pièce, jouée près de 60 fois depuis sa création, a récolté les éloges du public et de la critique. "C’est un spectacle que j’aime vraiment beaucoup, conclut l’artiste. Le sujet est grave, mais c’était très joyeux, cette création. Pour moi, c’est une expérience humaine inoubliable."

Du 1er au 5 mars à 20 h
Au Théâtre de la Bordée

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