Twin Rooms : Voir du pays
Scène

Twin Rooms : Voir du pays

Twin Rooms, des Italiens Enrico Casagrande et Daniela Nicolò, présente une autre Amérique. Rencontre.

Deux chambres d’hôtel; l’une réelle, l’autre virtuelle. Un couple vit une situation tendue et, à côté, s’activent les caméramans. Un climat digne de Lynch, quelque chose d’inquiétant qui flotte dans l’air et, à la fois, on sent qu’il n’y a pas que Bush et ses semblables aux États-Unis, et ça, c’est rassurant.

"Nous avons fait un voyage aux États-Unis consistant en une tournée des chambres d’hôtel, raconte Enrico Casagrande. Nous voulions montrer les pensées contemporaines américaines qui ne sont pas celles de Bush ou de ses semblables. Il y a tout un courant critique contre ce genre de mentalités à l’intérieur du pays, mais en Europe, il n’y a pratiquement que la voix de Bush qui se rende avec une large diffusion." Avec Twin Rooms, dernière production d’une trilogie sur le processus de création et les lieux de passage, la compagnie Motus aborde maintenant le monde des réflexions américaines. Le précédent projet tournait autour de Pasolini, un créateur italien célèbre: "Cette fois, nous nous sommes beaucoup inspirés des livres des Américains Don DeLillo et Bret Easton Ellis. Il y a des bouts de textes mais c’est surtout sur l’esprit qu’on a construit."

"Ce sont des fragments d’histoires, poursuit Casagrande, mais il y a une ligne directrice qui part de Bruits de fond de Don DeLillo. Cette histoire est toujours entrecoupée, par exemple, par les histoires de plateau (des comédiens jouent les caméramans, les régisseurs, les metteurs en scène, etc.) qui se chevauchent." Cet objet, qualifié de multimédia, touche en partie le concept de Big Brother, mais n’a pas été construit avec l’idée de la télé-réalité comme certains l’ont cru: "Dès qu’il y a beaucoup de caméras et des situations réelles, les gens disent que l’on traite de la télé-réalité. Évidemment, je n’aime pas la télé-réalité, et comme la télé-réalité est déjà une facilité, c’est trop facile de faire une pièce sur un sujet pareil."

Quelques-uns seulement font du multimédia en Italie, mais peu à peu, un courant se dessine dans ce pays qui accorde une très grande place à la tradition. "Le multimédia ne doit pas être un devoir, mais une nécessité. J’aime bien mélanger les choses, et pour nous, ce nouveau langage était une nécessité très forte, donc un devoir aussi. Nous croyons que les langages sont bien lorsqu’ils sont hybrides et que l’on sent que quelque chose se termine et qu’autre chose commence. Mais je ne crois pas que le multimédia soit l’avenir, que l’on doive absolument passer par là; je vois constamment de très bonnes pièces qui sont créées de manière très conventionnelle ou traditionnelle." Leur méthode, par contre, change pas mal la pratique habituelle: "On travaille beaucoup avec les caméras et les micros, ce qui amène le jeu ailleurs car on voit tous les détails, les nuances, en gros plan. C’est parfois difficile pour les comédiens. Sur certains points, nous sommes plus près du cinéma que du théâtre."

Jusqu’au 27 février
À l’Usine C

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