Jean Asselin : Le corps a ses raisons
Scène

Jean Asselin : Le corps a ses raisons

Jean Asselin et son festival Les Voies du mime proposent une rencontre conviviale entre relève, maîtres d’œuvre et public.

Jean Asselin, cofondateur de la compagnie montréalaise Omnibus (qui a 35 ans cette année), ne cache pas son enthousiasme face au troisième acte du festival Les Voies du mime. À l’honneur, l’"autre" corps et ses bizarreries. "Cette année, toutes les créations sont nouvelles. La plus vieille date de 2004. Il s’agit donc d’un état des lieux du mime aujourd’hui, explique-t-il. Un festival comme le nôtre est important, ne serait-ce que pour prouver que le mime a un répertoire moderne très fort."

Pourtant, l’art du mime est souvent jugé à tort. "Nous sortons d’un marasme, c’est sûr. Mais les temps ont changé. Il y a maintenant des élèves qui ne connaissent pas Marcel Marceau, lance Asselin dans un éclat de rire. La mièvrerie de cette dramaturgie a effectivement causé beaucoup de dommages. Pour le meilleur: tout le monde connaît le mot "mime". Mais aussi pour le pire. Lorsque nous arrivons avec quelque chose de plus riche dramatiquement et autre chose que du mime d’évocation, les gens ont l’habitude d’occulter d’emblée les mimographies. Sans être curieux. Mais je sens que nous sommes à l’aube d’une période expansive pour le mime. Les gens commencent à se rendre compte qu’il existe une forme pure, très loin du pantomime à la larme dessinée sur la joue. La génération qui nous suit est créatrice et libre."

En effet, la relève s’avère rassurante pour les disciples d’Étienne Decroux. Une création des émules de l’école Omnibus, Le Lièvre et le Loup, semble des plus prometteuses. "La pièce prend à contre-pied le reality-show. C’est une forme neuve et extrêmement stimulante. J’adore regarder leur travail et pouvoir me dire que je n’aurais pas été capable de faire ça. Et ils sont baveux, c’est un vrai plaisir."

De France, on retrouve aussi Claire Heggen avec sa création Le chemin se fait en marchant. Ici, le corps se fait souvenir. "Sa pratique est importante parce que militante. Elle fait du mime depuis 45 ans et n’a jamais cessé de défendre son art. En France, le contexte est encore pire, le mime est vraiment considéré comme un art mineur. C’est donc une résistante."

Francine Alepin nous offre pour sa part La Glaneuse de gestes. Après avoir étudié les gestes quotidiens de Montréal, de Mexico et d’Alep en Syrie, Alepin nous livre une création issue de ses observations. "Elle nous ramène à une question importante, celle de l’innocence. Aucun geste n’est innocent." D’Allemagne, le corps sera prisonnier avec Pandora 88, où deux interprètes s’enfermeront dans une cabine téléphonique pendant 70 minutes.

L’événement majeur du festival se place toutefois sous le signe du corps sensuel avec L’Entrepôt, une étude sur les voyages intérieurs de cinq interprètes orchestrée par Jean Asselin et écrite par Christian LeBlanc. "On a vidé totalement l’espace et les interprètes l’occupent chacun à leur façon. On y est témoin de leurs réflexions sur leur passé, leur envisagement de l’avenir et l’affrontement du présent. Le tout sur des fragments de textes ramassés en processus de création."

Au-delà des deux spectacles par jour, ce sera fête sur la rue Fullum. "Nous allons occuper les trois étages pour toute la durée du festival. Il y aura un bar où nous offrirons des bancs d’essai lors des 5 à 7. On vendra des boîtes à lunch maison." Le tout se terminera tous les soirs par la joyeuse nuitée des Noctambules. Ajoutons à cela une traduction cinématographique d’Alain Fleisher et la promesse d’un manifeste rigolo avec Jacques E. Le Blanc contre le réalisme, et Espace Libre n’aura jamais aussi bien porté son nom!

Du 15 mars au 2 avril
À Espace Libre

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