Jean-Philippe Joubert : Espace musique
Jean-Philippe Joubert et la compagnie Nuages en Pantalon offrent un hommage poétique à l’homme paradoxal qu’était le compositeur Erik Satie.
Collectionnant les succès, charmant tous les publics, la création Satie, agaceries en tête de bois arrive sur les planches de la Salle Fred-Barry. Métissant la danse et le théâtre d’objets, le jeune et polyvalent Jean-Philippe Joubert traduit en images poétiques la musique du compositeur mélancolique.
"Nous mélangeons plusieurs disciplines artistiques mais la trame reste simple, explique celui qui en signe la mise en scène. Nous suivons trois amis de Satie qui pénètrent dans sa chambre après sa mort. Ceux-ci redécouvrent alors leur compagnon à travers plusieurs objets personnels." Erik Satie, reconnu pour ses frasques et ses goûts parfois contradictoires, demeure toutefois insaisissable. "On ne prétend pas expliquer ce personnage car, à mon avis, ce serait le réduire à une simple forme. Nous étions toutefois intéressés par sa double personnalité. En entrant dans sa chambre, ses amis vont découvrir le côté privé de sa vie. Nous partons donc du personnage public, loufoque, baveux, pour tomber dans sa tristesse, sa solitude. À travers cela surgissent la beauté et la respiration de sa musique, l’amplitude de son art."
Le hasard faisant bien les choses, Joubert cumule les formations et expériences diverses. Après avoir été interprète de danse contemporaine et avoir conçu plusieurs pièces de théâtre pour enfants, il a mis en scène le spectacle équestre Ferghana et s’apprête à en faire autant pour les finissants de l’École de cirque de Québec. "Je trouve très nourrissant de passer d’un univers à l’autre, confie-t-il. Quel que soit le moyen d’expression utilisé, l’objectif demeure le même: il s’agit de raconter des histoires." Touche-à-tout, Joubert devient ici chef d’orchestre au sein d’une même production. Il décide de rendre hommage au compositeur en amalgamant la musique, la littérature, la danse et le théâtre d’objets. "Je m’empêche d’imposer des frontières entre les arts. Et le théâtre permet les métissages. Je qualifierais Satie, agaceries en tête de bois de théâtre d’ambiances car la pièce nous permet d’entrer dans l’imaginaire de Satie, dans sa pensée. Tout le texte du spectacle est pigé dans ses écrits. On réussit à recréer des dialogues à partir de sa correspondance. Nous avons aussi travaillé à partir des mots écrits sur ses partitions. Et à partir de ses objets." On dit avoir retrouvé dans l’appartement d’Erik Satie des dizaines de parapluies. "Nous avons bien sûr travaillé également à partir de sa musique, des Gymnopédies et des Gnossiennes, mais nous avons eu la curiosité d’aller explorer les méconnues, ses pièces de cabaret par exemple et sa musique d’ameublement."
Depuis sa création, l’ode poétique de la compagnie envoûte et ravit. Créée en carte blanche au Périscope en 2002, elle enchaîne reprise sur reprise. Une conquête étonnante pour un spectacle aussi marginal. "Ce qui m’intéressait particulièrement chez ce compositeur, c’est le silence dans sa musique. Il y a quelque chose dans notre vie trépidante, tapageuse, que Satie a refusé. Et notre spectacle porte ce refus. Il y a une lenteur, une respiration. On croyait au départ que notre pièce attirerait davantage les amateurs de Satie, mais les gens qui vont peu au théâtre sont également touchés. C’est un langage scénique différent… un rythme différent. Je suis fasciné de voir à quel point les images les plus abstraites trouvent écho chez le public." Avec aussi Patrick Ouellet, Caroline Tanguay et Klervi Thienpont.
Du 15 mars au 2 avril
À la Salle Fred-Barry
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