L'Écume des jours : Amour noir
Scène

L’Écume des jours : Amour noir

L’Écume des jours constitue un premier effort honorable pour le Collectif Ikaria.

Pour donner le coup d’envoi à leur compagnie, de jeunes diplômés de l’UQAM se sont lancés dans une adaptation théâtrale du plus célèbre roman de Boris Vian. Saluons d’entrée de jeu l’audace, pour ne pas dire la témérité, dont fait preuve le Collectif Ikaria en se mesurant à une œuvre aussi mythique que L’Écume des jours.

De la candeur juvénile à la lubricité irrévérencieuse, la mise en scène d’Alain Fournier traduit habilement les divers registres du texte. Empruntant à la comédie musicale, la première portion de la soirée donne notamment lieu à des chorégraphies exécutées en patins à roulettes. Les costumes de Julie Desrosiers et la musique de David Fafard contribuent également à recréer cette ambiance débridée des années 50. Bien que les airs de La Nouvelle-Orléans y occupent une place de choix, la pièce manque parfois de rythme. Une lacune qu’on ne peut imputer à l’adaptation sans maladresse de Fannie Bellefeuille, pas plus qu’aux amusantes "inventions" de Marie-Eve Pageau (scénographie) et Julie-Anne Parenteau-Comfort (éclairages). D’une affriolante exubérance, la représentation s’apparente à un manège que certains membres de la distribution ont peine à rattraper. À ce chapitre, les figures centrales de Colin (Pierre-Olivier Champagne), Chloé (Christine Pinard) et Nicolas (Alexandre Leroux) sont incarnées avec bien peu de conviction. En contrepartie, les différents personnages de Philippe Cyr (dont Jean-Sol Partre) réjouissent, tout comme ceux que défend avec zèle le prometteur Gilles Poulin-Denis.

Éducation sentimentale aux accents tragiques, ode à l’insouciance jazzée de la jeunesse, L’Écume des jours constitue le creuset d’un imaginaire sans comparaison dans la littérature française du 20e siècle. Paru en 1947, ce roman d’amour contemporain (le plus poignant, selon Queneau) cristallise toutes les préoccupations de l’écrivain mort en 1959. L’œuvre ayant laissé bien peu de lecteurs indifférents à son insaisissable charme, le Collectif Ikaria prenait tout un risque en s’y attaquant. Bien que le pari ne soit pas pleinement relevé, la représentation parvient à inciter le spectateur, ce qui n’est pas négligeable, à lire ou relire le chef-d’œuvre à sa source.

Jusqu’au 19 mars
Au Théâtre Prospero

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