Louise Bombardier : Aller au bois
À la Maison Théâtre, Louise Bombardier nous offre une fable où les petites filles se réconcilient avec les loups.
"Cette histoire me suit depuis 20 ans, mais je ne trouvais jamais la forme qu’elle devait prendre", confie l’auteure et comédienne Louise Bombardier. "J’aimais l’idée de faire entrer des loups en contact avec les humains avant de retourner à leur animalité. Et puis, je voulais depuis longtemps écrire sur l’enfance à l’hôpital. J’ai moi-même vécu l’expérience à l’âge de sept ans et ce fut très marquant."
La Cité des loups raconte donc l’histoire d’Élise, une fillette hospitalisée depuis des années et atteinte du lupus. Sans le savoir, elle est une figure de la mythologie des loups. Ceux-ci viendront à sa rencontre dans le but de retrouver leur terre originelle perdue. "Je me réfère souvent à mon enfance solitaire. Et je me mets aussi dans la peau des enfants d’aujourd’hui", explique l’auteure qui écrit pour les enfants depuis plus de 25 ans. "Il y a beaucoup d’enfants uniques qui vivent avec l’omniprésence de la télé et de la vidéo. Ils ont donc un imaginaire ouvert sur le monde, mais ils sont affectivement tout seuls."
Après avoir traité de plusieurs thèmes touchant le jeune public, Bombardier écrit maintenant une fable sur l’instinct. "La petite Élise est une enfant malade mais surtout surprotégée. Ses parents ont attrapé sa peur. Ils ne sont pas capables de lui donner le goût du risque. Alors, elle est dépossédée d’instinct. Même son système immunitaire est défaillant parce qu’il n’est jamais confronté à l’extérieur. Les loups, eux, sont des animaux qui ont été chassés de leur territoire. Eux aussi ont donc été dépossédés de leur instinct. J’en fais ici des immigrés en exil qui arrivent dans une ville. Ils découvriront, à l’aide d’Élise, que leur terre est enfouie sous la ville. Que leur terre, c’est la nature. Alors qu’Élise vit au 43e étage, dans l’hyper-civilisation d’un hôpital."
C’est avec le Théâtre de l’Oil que Louise Bombardier trouve enfin le moyen de mettre en images son propos. "Je voulais faire de la terrifiante expérience de l’hôpital quelque chose d’apaisant. Je me force toujours à allumer une lumière dans les ténèbres. Et la marionnette m’est apparue le meilleur médium pour illustrer cette fable parce qu’elle est en elle-même une métaphore. Les choses réellement terrifiantes, un enfant intubé par exemple, prennent une dimension poétique avec la marionnette."
L’auteure se désole d’ailleurs du manque d’intérêt pour le théâtre pour enfants. "Il se fait tellement du théâtre jeunesse de qualité depuis quelques années… Parfois, je me dis que la vraie création au Québec est là. Une pièce pour adultes se monte en deux mois alors qu’une pièce pour enfants se monte en deux ans. On a donc le temps de faire de la vraie recherche. Je ne comprends pas pourquoi on n’accorde pas plus d’importance à cette dramaturgie."
Louise Bombardier a d’ailleurs dû se battre pour faire entendre sa voix. "C’est plus facile qu’avant, mais c’est sûr qu’il y a un effort à faire parce que le théâtre pour enfants est un produit qu’il faut vendre aux adultes! Et ce sont eux qui ont des réticences. Les écoles et les parents ont bien plus peur de certains propos que les enfants."
Pourtant, elle persiste et signe. "Délirer, ce n’est pas toujours drôle dans la réalité, mais il faut apprendre à rendre notre délire créatif. Couper l’art chez les enfants, c’est tuer l’imaginaire. Alors, je vais toujours écrire pour la jeunesse parce que l’enfance est la base de tout. Et les gens qui ont l’esprit large font des humains beaucoup plus intéressants…" Une mise en scène signée Martine Beaulne et André Laliberté.
Du 23 mars au 10 avril
À la Maison Théâtre
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