Tête première : Hydre à trois têtes
Scène

Tête première : Hydre à trois têtes

Tête première: un admirable baptême pour Maxime Denommée.

En 2002, malgré le caractère explicite d’une prise de parole sans compromis, Howie le Rookie a remporté à La Licorne le suffrage de nombreux spectateurs. Ces jours-ci, le Théâtre de la Manufacture récidive en confiant à Maxime Denommée la plus récente pièce de l’Irlandais Mark O’Rowe. Non seulement le résultat prouve que le jeune acteur était mûr pour la mise en scène, mais les trois monologues de Tête première ont toutes les chances de se ranger parmi les réalisations les plus bouleversantes de la saison.

Foulant tour à tour l’espace exigu qu’Olivier Landreville a ouvert sur l’infini, évoluant dans les fabuleux clairs-obscurs d’André Rioux, attentives au moindre décibel du paysage sonore orchestré par Larsen Lupin, Olive, Alison et Tilly dévoilent leur soif d’amour et leur désir profond de maternité. En revivant leur descente aux enfers, elles nous entraînent dans leur plongeon. Chacune offre son interprétation du passage dévastateur d’un étranger et de son chien à trois yeux, y pose un regard bien personnel. Parfois, les propos atteignent un tel degré de brutalité et de désespoir qu’en comparaison, les protagonistes d’Howie le Rookie ressemblent à des enfants de chœur. La traduction d’Olivier Choinière s’approprie la langue d’O’Rowe avec beaucoup de doigté. Alors que l’oralité du texte d’origine est habilement remplacée par des québécismes choisis, le nom des personnages et des lieux ancre clairement l’action dans un petit village de l’île verte. Tout en conservant leur saveur locale, les monologues sont truffés d’expressions soutenues, un lexique qui, bien que surprenant, confère à l’œuvre un caractère littéraire qui en élargit la portée. Ainsi, l’âpreté du discours est transcendée par de superbes métaphores, une grande force d’évocation.

Sans la rigueur avec laquelle Denommée a dirigé ses interprètes, une partition aussi exigeante n’aurait jamais passé la rampe. Alors que Kathleen Fortin et Dominique Quesnel confirment talent, générosité et audace, Sandrine Bisson révèle une poignante virtuosité lorsqu’il s’agit d’unir souffrance et dérision. Dans le dernier volet du triptyque, le seul à autoriser quelque espoir, son personnage instaure une salvatrice résolution, une catharsis que l’on n’espérait plus.

Jusqu’au 9 avril
Au Théâtre La Licorne

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