L’Effet Médée : Le retour
L’Effet Médée, de Suzie Bastien, nous transporte dans une salle de théâtre. S’y rencontrent deux solitudes.
Ugo, metteur en scène, cherche la comédienne capable d’incarner Médée, épouse bafouée, mère infanticide de la tragédie d’Euripide. Au terme d’une journée d’auditions, dans la salle de théâtre vide, il reçoit une visite: Ada, convaincue qu’elle peut, mieux que personne, incarner cette figure mythique. D’abord réticent devant celle qui le supplie de l’entendre, il se prend finalement d’intérêt pour son histoire. Dix ans plus tôt, alors comédienne adulée, Ada jouait le rôle de Médée. Brisée par une rupture amoureuse, dérivant dans la souffrance et l’alcool, elle abandonne un soir la scène, en pleine représentation, et disparaît. Après des années d’errance, elle souhaite de nouveau se mesurer au "monstre" d’Euripide, y cherchant une manière de rédemption. À partir du personnage de Médée, à travers les réflexions d’Ugo et Ada, surgiront des souvenirs, des peurs, des douleurs, pour l’un et pour l’autre. S’effectuera alors la rencontre: de ces personnages entre eux, et de chacun avec lui-même.
Sur la scène s’alignent les sièges vides d’une salle de théâtre. Devant, une étroite plate-forme de bois, en forme de T: une partie borde la scène sur toute sa largeur, l’autre s’avance dans le public. Un peu en hauteur, très étroit, ce plancher de scène illustre clairement l’aspect vertigineux de l’opération dans laquelle, à pas d’abord hésitants, se lance Ada. Lieu du souvenir qu’Ada réapprivoise, cette portion du décor accueille certains des plus beaux et des plus touchants moments de la pièce.
Linda Laplante et Christian Michaud, acteurs solides finement dirigés par la metteure en scène Marie Gignac, incarnent ce duo de personnages. Leur interprétation sensible, nuancée, sincère, fait vivre les fêlures de chacun, et leur empathie naissante. L’intérêt de la pièce, pourtant, est inégal, en raison surtout de la construction du texte: début très lent, attitudes des personnages – faux-départs, retranchement ou agressivité – plausibles au début, étonnantes en cours de pièce. Ces ruptures, difficiles à comprendre, dérangent, et freinent malheureusement le rythme, l’envol du spectacle.
À retenir: de belles et touchantes images, notamment en ouverture et lors de la finale, des comédiens excellents, et la beauté d’une rencontre entre deux êtres.
Jusqu’au 9 avril
Au Théâtre Périscope
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