Sol : Le clown humaniste
Marc Favreau interprète Sol avec autant de passion qu’à ses débuts, car son personnage ne vieillit pas. Et parce qu’il est nourri par un public qui se renouvelle sans cesse, ravi par son humour humaniste.
Les années passent, mais elles ne semblent pas avoir d’emprise sur Marc Favreau, ni sur Sol, son bienheureux personnage au manteau élimé qui provoque les sourires et les rires depuis 47 ans déjà. Pour le comédien qui a célébré son 75e anniversaire en novembre dernier, c’est tout à fait normal parce que pour lui, le spectacle, c’est quelque chose de miraculeux: "On va voir un spectacle, peu importe de quoi il s’agit, pour vivre un moment magique. Il faut voir les enfants!" s’exclame-t-il en ouvrant tout grand les bras: "Ils ont beau être gavés d’images télévisées et de jeux vidéo, ce n’est pas pareil lorsqu’ils se retrouvent dans une salle. Il y a du monde, le noir se fait, le rideau s’ouvre, et ça commence…" énumère-t-il sur un ton dramatique.
Pendant quelques secondes, on a l’impression que ce n’est plus Marc Favreau qui est là, mais Sol, le gentil clochard à la naïveté intemporelle. Car Sol, du haut de son année et demie d’âge mental, se permet de parler de la sottise au quotidien comme peu d’autres humoristes le font de nos jours. Et les sujets, malheureusement, ne manquent pas: "Sol s’intéresse à tout ce qui agace, que ce soit la violence dans le monde, le gaspillage, les abus ou les comportements bizarroïdes de l’humain. Avec Sol, aucun propos n’est abstrait. On est dans le quotidien, dans le réel, tout en restant dans le domaine de l’imaginaire", fait remarquer Marc Favreau. Parce que Sol, à un an et demi, est un être naïf: "Par exemple, il rêve qu’il devient patron, puis deux ou trois minutes plus tard, c’est un dictateur, et il ne s’en rend même pas compte. Il dit des choses épouvantables, mais il ne le sait pas car c’est un innocent, il le fait en toute inconscience", explique le comédien dont le verbe coloré est également très significatif. Il suffit de relire ses monologues pour y découvrir chaque fois un nouveau sens, une sagesse profonde. "On n’a pas le droit de faire juste du rire gratuit. Raconter des blagues, c’est drôle quand on est entre amis, mais sur scène, ça ne me suffit pas. À mes yeux, l’humour, c’est plus qu’une blague qui fait rire (sans susciter de réflexion)", affirme-t-il, mal à l’aise à l’idée de s’aventurer sur le terrain de l’humour actuel, qu’il juge glissant. "Vous allez me faire dire des choses…" commence-t-il avant de faire dévier la conversation sur la société de consommation: "Il faut savoir s’arrêter, se calmer un peu et prendre le temps de goûter les choses, de les savourer, peu importe qu’il s’agisse du rire ou des prochaines vacances", souligne-t-il.
Dans le nouveau spectacle de Sol, intitulé Prêtez-moi une oreille à tentative, il est notamment question des richesses naturelles et de l’environnement, du recyclage et de l’énergie, de la guerre et du pouvoir, du travail, de la consommation, du monde de la recherche et un peu d’Internet, mais pas de façon aussi claire et nette: "J’aborde chaque sujet par la bande, car il ne faut pas tout dévoiler. C’est la commodité d’un personnage comme celui de Sol, qui me permet d’aller très loin. Avec Sol, je peux parler de tout, car c’est un bébé qui répète de travers tout ce qu’il entend. Si on dit que ça va mal dans le monde parce qu’il y a des trous dans la couche d’ozone, Sol va dire: "Mais changez-la, la couche d’ozone!"" s’exclame le comédien toujours à l’affût du sens caché des choses, à l’image du caricaturiste. Marc Favreau y reprend aussi des monologues auxquels il n’avait pas touché depuis 12 ans, mais attention, ils sont toujours d’actualité.
Le 31 mars et le 1er avril
À la Salle Albert-Rousseau
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