Appartement témoin : État des lieux
Appartement témoin, la dernière création présentée cette saison par Danse-Cité, est un projet in situ alliant danse et anthropologie.
Le chorégraphe Martin Chaput et l’anthropologue Martial Chazallon, instigateurs du projet les 4M, ont choisi quatre villes dont le nom commence par "m" pour effectuer une recherche chorégraphique dont le questionnement s’articulerait autour de la place de l’individu dans l’espace public. Leur première escale fut Mexico, en 2002. "Dans cette ville, on avait recruté neuf interprètes, raconte le chorégraphe. On était parti, entre autres, de ces fameuses chaises de cireurs qu’on trouve partout dans cette ville. Il y a même un syndicat des cireurs de chaussures… C’est donc un objet qui façonne d’une certaine manière le rapport au quotidien. Un peu comme les bacs verts de recyclage, ici, à Montréal."
Mais il n’y a pas que ce rapport à l’objet qui leur sert de source d’inspiration, les interprètes y sont aussi pour beaucoup. Dans notre métropole, Nicolas Filion, Philippe Lonergan, Mathilde Monnard et Maya Ostrofsky ont été sélectionnés pour faire partie du processus de recherche qui s’est étalé sur un an. "On s’est rencontré quatre fois durant cette période, toutes les deux semaines pour les trois premières rencontres, précise l’anthropologue. Et la dernière s’est étalée sur sept semaines de résidence. Entre ces rencontres, les interprètes devaient tous remplir un journal d’observation, sur une base hebdomadaire, à l’intérieur duquel ils avaient à décrire un trajet urbain défini en fonction d’une variable de leur choix. Le parcours pouvait être défini, par exemple, en fonction des partenaires amoureux qu’ils avaient rencontrés ou des emplois qu’ils avaient occupés jusqu’ici…"
C’est, en gros, de cette démarche d’observation que les deux collaborateurs sont partis pour construire, avec les interprètes, ce qui allait être la trame chorégraphique de la pièce. "On a pris pour point de départ ces trajets dans l’espace, poursuit Martial Chazallon. Mais ce qui était signifié dans ces trajets était aussi très important, car notre objectif était de créer des genres d’autoportraits de ces artistes. Ceci de façon à pouvoir relever de manière claire les traces corporelles qui font d’eux des êtres singuliers. Et de pouvoir, par extension, déterminer dans quelle mesure cette singularité avait pu être forgée à la base selon une dimension collective."
Ce projet place donc la méthode scientifique au service de la création. Un phénomène que l’on sent de plus en plus présent, depuis un certain temps, dans le domaine des arts. "Il est toutefois important de souligner que cette méthode n’est pas utilisée dans le but de vérifier une hypothèse quelconque, précise Martin Chaput, mais qu’elle sert à nourrir le processus de découverte qui mène à l’œuvre. Notre approche ludique du mouvement s’inscrit d’ailleurs un peu en opposition à l’aura de sérieux que peut apporter l’utilisation d’une méthode dite scientifique."
La résidence de sept semaines, qui permet de faire une synthèse des premières étapes du processus, devait avoir lieu à la Fondation Jean-Pierre Perreault. Mais comme on le sait, l’endroit est maintenant clos. Or, une semaine avant leur arrivée à Montréal, les deux collaborateurs en provenance de France ne savaient toujours pas où ils allaient être accueillis. "Nous tenons à remercier d’abord Danse-Cité, puis la Ville de Montréal, la Maison de la culture Mercier et spécialement Sylvie Lachance du MAI, pour le sérieux coup de main qu’ils nous ont donné en nous trouvant quelques lieux de résidence de dernière minute. En outre, le fait d’être localisés dans différents coins de la ville nous a permis d’élargir nos horizons."
Après Montréal, ce sera au tour de Maputo et Marseille…
Du 6 au 9 et du 13 au 16 avril
Au MAI