Jouliks : Second regard
Scène

Jouliks : Second regard

Après avoir vu sa pièce Jouliks sur les planches parisiennes, l’auteure et comédienne Marie-Christine Lê-Huu se prépare à en interpréter le rôle-clé au Théâtre d’Aujourd’hui.

Marie-Christine Lê-Huu revient de Paris, où son texte est présentement mis en scène par Gérald Châtelain. Au Théâtre d’Aujourd’hui, c’est Robert Bellefeuille qui en assume la direction simultanément. Grosse année pour la cofondatrice des Moutons Noirs… "De toutes mes pièces, je crois que c’est celle qui pouvait rejoindre le plus de gens, analyse humblement l’auteure et comédienne. Il était donc plausible que son chemin soit plus vaste que les autres. Je voulais que ce soit un lieu où tout le monde puisse se projeter et une histoire de toutes les époques."

Jouliks, c’est le mot qu’utilise Zak pour dire "voyous". Zak, l’homme qui aime Véra avec démesure. L’homme qui fuit la maison à toute occasion. Le père de la Petite. Le gendre de la Mé. "En tant qu’auteure, j’ai pris une liberté, explique Lê-Huu. Je voulais que le public accepte d’emblée certains faits sans avoir à le démontrer par des dialogues entre les personnages. Alors j’ai fait d’une enfant la narratrice. Par exemple, on ne verra pas de scènes d’amour entre Véra et Zak. Mais la Petite nous dit qu’ils s’aiment. Et c’est une prémisse de la pièce, elle est indiscutable. Peu importe la violence, peu importent les actions de l’un ou de l’autre."

La structure du texte permet donc la narration troublante d’une enfant imbriquée dans l’histoire tragique de sa famille. La Petite parle au public, explique, commente, justifie. Car autour d’elle, tous cherchent à s’affranchir en silence. "Zak doit se libérer de ce besoin de partir, de cet appel auquel il va renoncer pour sa femme Véra. Celle-ci veut quant à elle s’affranchir du regard de sa mère qui juge sa vie. La Mé doit s’affranchir du rêve qu’elle a pour sa fille, de l’image bien précise de la vie idéale nichée dans une certaine réussite sociale. Elle ne sait plus nommer aucun autre bonheur que celui-là. Mais la troisième génération, la Petite, sait reconnaître tout cet amour perdu. Elle est capable de nommer ce que les personnages vivent à la seconde où ils le vivent. Et elle nous l’offre dans ses mots. Même si elle est partie prenante de l’histoire, elle a le recul nécessaire, grâce à la narration, pour aimer tous les personnages et les prendre comme ils sont."

Désarçonnée par cette voix féminine soudaine, qualifiant elle-même ses précédents textes de pièces androgynes, Marie-Christine Lê-Huu se prépare de surcroît à chausser les souliers du rôle phare de sa pièce, celui de la Petite. "Je ne crois pas avoir déjà joué un aussi gros morceau, avoue-t-elle. Il était important de me positionner uniquement comme actrice dans le processus de répétition. J’ai participé aux discussions autour du texte et je trouve cela extrêmement riche. J’ai aussi des questions même si je suis l’auteure, affirme-t-elle, presque étonnée qu’on en doute. Et j’ai une confiance absolue dans cette équipe de création. Je ne me sens pas du tout comme un auteur qui aurait besoin de retenir le sens de son œuvre."

Portant elle-même une double culture, Lê-Huu situe cette fois sa pièce aux frontières de l’altérité. "Il y a quelque chose de l’étranger qu’on ne comprend pas et je tenais à recréer cette impression. Pour moi, Zak est clairement européen, mais pour l’auteur européen Stanislas Cotton, il représente l’Amérique profonde! Je trouve ça rassurant parce que ça prouve que le père de la Petite demeure l’étranger, qu’on soit de n’importe où. Il est celui qui est différent. Celui qui refuse nos conventions…"

Du 5 au 30 avril
Au Théâtre d’Aujourd’hui

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