Les Nuages en pantalon : Homme de rêve
Scène

Les Nuages en pantalon : Homme de rêve

La compagnie Les Nuages en pantalon nous offre une incursion dans l’univers trouble du compositeur Erik Satie.

Sur scène, un vieux piano envahi de papiers froissés, quelques chaises renversées et un mur de gribouillis. La transposition de la petite chambre d’Arcueil où logeait l’étrange Erik Satie est frappante. Par terre, un pot de chambre; sur une étagère, quelques bouteilles; au centre, un placard enfermant telle une boîte de Pandore les images oniriques. Jamais didactiques, les tableaux nous guident à travers les pensées insondables du célèbre original mélancolique.

Satie, agacerie en tête de bois a le mérite de proposer aux spectateurs un songe qui ne tente jamais de cerner son protagoniste. Joué avec une finesse et une minutie émouvantes par Patrick Ouellet, le personnage de Satie se fait parfois Charlot tragique, maniant le parapluie comme le calembour. Ou alors virulent, attaquant de front le critique Henry Gauthier-Villars à coups de bâton dans un ballet comique rappelant leur altercation. L’"andouille mystique" marche en rond, nous regarde d’un œil coquin, parle à ses parapluies. Alors que l’on s’attend à la prochaine boutade, monsieur le Pauvre jette ses yeux dans les nôtres, quémandant une réponse à sa sempiternelle question: "Que suis-je venu faire ici?" Le tour rapide de son champ musical, de sa musique d’ameublement au cabaret et de l’orgue au miracle des Gymnopédies, contribue à rendre l’individu changeant et insaisissable. Satie n’aura jamais été aussi mystérieux.

Si l’utilisation du théâtre d’objets se montre parfois limitée, particulièrement en ce qui a trait aux récurrents battements de parapluies, les clins d’œil surréalistes créent un monde insolite et fascinant: la fée verte sort du placard alors que Satie joue un piano liquide ou discordant; le chapeau de Magritte se profile entre les cintres. La poésie atteint son paroxysme alors que l’univers de Satie s’envole comme un ballon d’hélium, le laissant seul amarré, à tenter de ramener au sol ses objets, ses partitions, son piano. Erik Satie, solitaire énigme.

Jusqu’au 2 avril
À la Salle Fred-Barry

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