Voies du mime : Le culte du corps
La 3e édition des Voies du mime bat son plein entre les murs d’Espace libre.
Omnibus – une compagnie qui milite depuis 35 ans pour une "prépondérance du corps sur tous les autres locataires de la scène" – orchestre ces jours-ci la 3e édition du festival Les Voies du mime. Reléguant aux oubliettes les visions passéistes ou restrictives qu’on accole trop souvent au genre, la programmation de l’événement emprunte de fructueux chemins de traverse.
Réalisé en 2004, Sans Terre ni mère est un film de Mario Côté et Alain Fleischer qui s’inspire de La Flèche et le cœur, un spectacle créé en 1991 par Jean Asselin. Mettant en vedette Francine Alepin et Jacques E. Leblanc, deux membres permanents d’Omnibus, le film s’appuie sur les "soliloques mélancoliques" de Jean sans Terre (le frère de Richard Cœur de Lion) et de sa mère, Aliénor d’Aquitaine. Alors que certaines séquences caressent le paysage, d’autres, plus nombreuses, font voir un homme et une femme transposant en mouvements certains fragments de ces douloureux destins médiévaux. Portés par les intonations graves de Benoît Dagenais et Françoise Faucher, les mots de Robert Claing relient les différents tableaux. Martelant la surface de bois qui leur sert de tréteau comme s’il s’agissait d’un instrument à percussion, Alepin et Leblanc démontrent l’ampleur de leur savoir-faire. Destiné à un auditoire rompu au langage du mime, ce film enchevêtre de manière vertigineuse les pulsions de vie et de mort.
Avec Le Lièvre et le loup, la compagnie Mâle|Femelle choisit d’appliquer sur scène les méthodes de la téléréalité. D’entrée de jeu, on explique au spectateur que 4 368 heures des faits et gestes d’un couple ont été répertoriées, puis condensées, par des chercheurs en psychologie du comportement passionnel. Ce montage, que deux acteurs s’apprêtent à reconstituer sous nos yeux, doit, dit-on, nous en apprendre davantage sur la nature animale des mœurs amoureuses de l’homme et de la femme. Si cette "vraie fausse conférence" – écrite et mise en scène par Christian LeBlanc – éclaire bien faiblement l’épineuse question du désir humain, la représentation donne lieu à d’imaginatives et réjouissantes chorégraphies de la vie conjugale. Les mots sonnent juste et les mouvements sont chargés d’un humour irrésistible. À la hauteur de la situation, Marianne Lamarre et Martin Vaillancourt témoignent d’une grande rigueur physique. Les éclairages de Stéban Sanfaçon, mais surtout la musique de Marc-André Arcand, savent garder l’ensemble sous tension. Plus près du rite de passage que de l’expérimentation scientifique, cette première œuvre d’un créateur issu de l’École de mime Omnibus constitue un bon présage.
D’ici la fin du festival, Omnibus présente L’Entrepôt de Jean Asselin et La Glaneuse de gestes de Francine Alepin. Avec Pandora 88, les Allemands Wolfgang Hoffman et Sven Till revisitent, quant à eux, le mythe de Pandore en s’enfermant dans une cabine dont la surface de plancher ne dépasse guère 1,5 m2. Voilà qui est bien intrigant. www.mimeomnibus.qc.ca.
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