Marie-Hélène Thibault : Jeux de société
Marie-Hélène Thibault reprend du service dans La Société des loisirs de François Archambault.
Lors de sa création en mars 2003, La Société des loisirs recueillait les éloges du public comme de la critique. Dix ans après sa sortie de l’École nationale, François Archambault renouait, pour notre plus grand bonheur, avec le ton corrosif de Cul sec ou Les Gagnants, ses premières pièces. Observateur impitoyable de sa génération, le dramaturge se voyait récompensé par le Masque du texte original en 2004. Menée par Michel Monty, la fructueuse production est de retour à La Licorne pour six semaines, avant de partir en tournée de Moncton à Vancouver, jusqu’en mai prochain.
"Je compte sur toi pour aller très, très, très bas!" Voilà ce que Michel Monty a déclaré à Marie-Hélène Thibault durant l’une des premières répétitions de La Société des loisirs. Il faut savoir que Marie-Pierre, la jeune femme qu’elle incarne dans la pièce, va laisser jaillir des pulsions qu’elle avait profondément enfouies. Assise dans un recoin du Sève Café, un charmant troquet du quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, baignant dans les effluves d’un thé chai fumant, la comédienne explique le rapport qu’elle entretient avec son personnage. "Je n’ai pas de pudeur à jouer quelque chose de laid. Marie-Pierre dérape totalement, elle vit une espèce de descente aux enfers. J’aime bien l’idée que ça semble être moi qui traverse ces états, pour le temps de la représentation."
Une maison, une carrière, un bébé et même un piano à queue: Pierre-Marc (Christian Bégin, Masque de l’interprétation masculine) et Marie-Pierre semblent posséder tout ce qu’il faut pour jouir du plus absolu des bonheurs. Toutefois, secrètement insatisfaits, ils ne goûtent pas encore à la plénitude que la société des loisirs leur avait pourtant promise. "En réalité, la vie de Pierre-Marc et Marie-Pierre est le fruit d’un grand mensonge, précise Thibault. On leur a dit: exerce ce métier, achète cette voiture et cette maison, conçois un enfant… tout cela va te rendre heureux." Lorsque s’ouvre la pièce, le couple s’apprête à couper les ponts avec Marc-Antoine (Normand D’Amour), un vieil ami au mode de vie trop débridé à leur goût. Quand celui-ci débarque, accompagné de la jeune Anne-Marie (Geneviève Néron), sa nouvelle conquête, la soirée s’engage sur une pente plutôt inattendue. Déliés par des flots de vin, les quatre protagonistes n’auront d’autres choix que de confronter leurs démons. "Au départ, leur vie, leur maison, leurs vêtements… tout semble absolument magnifique, mais ça se fissure rapidement. Dans un spectacle percutant où l’on nous montre des marginaux, il est facile de se dissocier du propos. Ici, nous sommes forcés d’avouer qu’ils nous ressemblent."
François Archambault trace un portrait plutôt alarmant de sa génération. "La pièce est sans espoir aucun, avoue la comédienne. L’espoir se trouve dans la réaction du spectateur qui s’arrête à réfléchir sur sa façon de vivre, sur la possibilité de refuser certains commandements." Toujours grinçants, les échanges du quatuor n’en sont pas moins drôles pour autant. C’est bien connu, le rire ouvre souvent une fenêtre privilégiée sur la réflexion. Comme le précise la comédienne, il ne faut pas s’attendre à rire de bon cœur jusqu’à la fin. "Il y a de l’humour, de l’action… puis à un moment donné, sournoisement, on se fait ramasser. La pièce contient tout ce que le théâtre doit contenir. Elle est raide, mais accessible. Le théâtre est un lieu de rassemblement où des gens prennent le temps de sortir de chez eux, de leur horaire, pour vivre quelque chose ensemble. C’est primordial de voir notre vie quotidienne, notre "ici et maintenant", ailleurs et autrement qu’à la télévision."
Les 1er et 2 avril à 20 h
À la Salle Odyssée
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