Frédéric Dubois : N'ajustez pas votre appareil
Scène

Frédéric Dubois : N’ajustez pas votre appareil

Frédéric Dubois, qui créait son Téléroman il y a deux ans à Québec, présente une nouvelle version revue et corrigée pour le bien de ses téléspectateurs.

Fondateur et directeur artistique du Théâtre des Fonds de Tiroirs (TFT), Frédéric Dubois créait pour la première fois en 2003 à Québec la pièce Téléroman de Larry Tremblay. À l’invitation de Joël Beddows du Théâtre La Catapulte, il présente à nouveau la production à Ottawa, pour ensuite la proposer pendant un mois à Montréal.

Toujours entouré de la même équipe, le metteur en scène s’est contraint à revoir sa version puisque l’univers de la télé a beaucoup évolué ces deux dernières années. "On a repris le propos et on l’a rendu encore plus cinglant, angoissant, voire baveux. Le spectacle était assez physique, mais on a ramassé tout ça pour l’intérioriser un peu plus, pour vraiment faire du propos un drame intérieur malsain. Les préoccupations de la société ont beaucoup évolué en ce qui a trait à ce média, l’opinion s’est forgée, s’est précisée… On change, on vieillit, on est confrontés à d’autres réalités, et je pense que ça aurait été bête de reprendre la pièce pour la reprendre", soutient-il.

L’auteur du Ventriloque y propose un portrait grinçant de l’emprise que peut avoir cette boîte à images sur tout un chacun. On y voit sept vulnérables danseurs en herbe, qui travaillent sur la nouvelle chorégraphie de Christophe (Dubois) – sorte de gourou dédaigneux -, intitulée Cheval. Au fil de leur recherche artistique, ils se retrouveront pour parler d’un point qui les lie tous: l’amour qu’ils ont pour le téléroman Piscine municipale. Mais voilà que la réalité se confond à la fiction et que les personnages s’effacent derrière leurs héros.

"Dans le texte, l’auteur dit que la télévision travaille l’émotion de base, il soulève aussi un questionnement par rapport au mal, en l’occurrence la télévision, que poétiquement il transforme en une image du diable qui nous prend d’assaut et qui nous envahit. J’ai donc abordé la pièce sous cet angle, en dénonçant le propos par son propos."

À la manière de poupées dénudées, les comédiens sont vêtus d’un costume couleur chair et leur tête est coiffée de grotesques perruques. Fidèle à elle-même, l’équipe du TFT a créé un espace restreint sur scène, dans lequel les comédiens évoluent pour favoriser une approche plus personnelle. Le meneur de jeu avoue que son équipe et lui ont dû se questionner personnellement quant au rapport qu’ils entretenaient avec la télévision: "On s’est assis tout le monde ensemble une seconde fois et on a regardé beaucoup de téléromans, de soaps, puis on s’est demandé: "Comment ça se fait que ça fonctionne? Pourquoi on écoute et pourquoi on s’attache à ça?" Au fond, c’est qu’on est rendus éduqués à ces recettes, à ces patterns et à ces émotions préfabriquées qu’on nous sert."

Frédéric Dubois ne renie toutefois pas l’attachement profond qu’il a un jour eu pour une série en particulier: "Nous sommes de la génération Passe-Partout, on a été élevés avec la télé, puis ça a été capital dans nos vies. L’autre jour, je suis allé voir un spectacle de deux membres des Cowboys Fringants qui, pendant une soirée complète, font les chansons de Passe-Partout… Il y avait 250 personnes dans la salle et tout le monde les connaissait, s’attendrissait au même moment ou se levait en même temps… J’ai constaté à quel point c’était fort et puissant. Heureusement, Passe-Partout, c’est un pouvoir qui, émotivement et éducativement, est très sain – moi, ça a nourri mon univers imaginaire -, mais en contrepartie, ça prouve à quel point la télévision peut s’incruster dans nos vies et peut influencer notre pensée, ça a un côté dangereux…" conclut-il.

Jusqu’au 9 avril à 20 h
À la Nouvelle Scène

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