Ce fou de Platonov : Comédie russe
Avec Ce fou de Platonov, Cristina Iovita fraie un chemin hasardeux dans la première œuvre dramatique du grand Tchekhov.
Première pièce de théâtre écrite par Anton Tchekhov, Ce fou de Platonov ne sera découverte qu’en 1920. Jamais portée à la scène du vivant de son auteur – parce que trop longue ou trop sévère envers son époque -, cette œuvre préfigure toute la dramaturgie tchékhovienne. En osant se mesurer à cette pièce plus grande que nature, Cristina Iovita, directrice artistique du Théâtre de l’Utopie, propose un univers où le génie marche au bras de l’excès.
Dans la Russie du 19e siècle, Platonov est entouré d’une galerie de personnages plus névrosés les uns que les autres. Autrefois socialistes, ces hommes et ces femmes semblent aujourd’hui, à l’aube de la trentaine, courir à leur perte. Pour faire face aux ennuis, aux défaites et aux désillusions, la plupart d’entre eux s’abîment dans l’alcool et la sexualité. Ainsi, la pièce dépeint les rares avancées et les nombreux reculs d’une société décadente, la ruine de toute une génération d’intellectuels "occupés à souffrir". La scénographie aux accents paysans de Fruzsina Lanyi instaure une agréable sobriété. Au-dessus d’une estrade presque nue, lanternes, cages d’oiseaux et balançoire ont été suspendues. En fond de scène, de multiples échelles de corde se superposent à une toile gorgée des lumières vibrantes d’Anne-Catherine Simard Deraspe. Unissant les bruits de verre aux élans du violon et les rires angoissants des convives aux notes entêtantes du piano, la bande sonore de Benoît Rolland réitère la nature grinçante de cette fête à la campagne. Enchaînant acrobaties, glissades et contrepoids avec une agilité peu commune, les neuf acteurs sortent gagnants d’un théâtre qui trouve ses assises dans les ressorts de la commedia dell’arte.
Bien que Cristina Iovita démontre du cran en affrontant une œuvre de cette envergure, force est d’admettre que son adaptation multiplie les intrigues là où il aurait fallu opter pour la concision. Même si plusieurs personnages ont été retranchés, le déroulement des scènes – innombrables et fâcheusement redondantes – finit par lasser. Une fois le comique étiolé, le tragique, malheureusement, ne parvient pas à prendre le relais.
Jusqu’au 16 avril
Au Théâtre Prospero
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