Charlotte Laurier : Secteur privé
Scène

Charlotte Laurier : Secteur privé

Deux ans après Capharnaüm, Charlotte Laurier revient avec la création pluridisciplinaire Autopsie Femme, une réflexion sur la fausse intimité des entrevues.

Charlotte Laurier a grandi devant le Québec entier à travers la caméra. Pourtant, si la lentille l’adore, la réciproque n’est pas toujours vraie. Surtout lorsque la caméra veut d’elle des révélations d’ordre privé. "Une entrevue, c’est le dévoilement filmé d’une partie de soi. La caméra m’est dans ce cas précis une intrusion terriblement exigeante. Je me suis donc interrogée sur ce malaise, explique celle qui aura travaillé trois ans sur le texte avant d’en être satisfaite. C’est une réflexion sur la redéfinition de l’artiste et sur les concepts dans lesquels il doit se mouler, poursuit-elle. Ça ne m’apparaît pas comme un constat mais plutôt comme une radiographie."

La pièce jouxte donc deux situations. On y sera témoin d’une entrevue où une comédienne judicieusement nommée Nina se heurtera aux questions intrusives de l’animatrice branchée Vicky Clairol. Parallèlement, une jeune prostituée deviendra le sujet du documentaire d’une réalisatrice ambitieuse. Un cinquième personnage, celui de la mère, jouée par toutes les comédiennes, viendra unir toutes les voix.

Si les mouvements intérieurs s’avéraient fougueux et sauvages lors de la création de Capharnaüm, la révolte semble avoir cédé la place à une certaine maturité. "Je suis fascinée par les mêmes thèmes, expose celle qui tâtait déjà de l’emprisonnement. Mais j’ai ouvert d’autres portes, j’ai décidé d’avoir moins peur de moi." Résultat: la créatrice a pu sonder les profondeurs de son abîme et enrichir par le fait même sa démarche artistique. "J’ai l’impression d’avoir été capable de monter davantage la barre analytique."

L’auteure et comédienne questionne donc l’intimité par un jeu de caméra en direct. Elle s’est entourée des concepteurs Pascal Courchesne et Frédéric Page pour créer un parcours multidisciplinaire à l’intérieur des murs de la SAT. "Nous serons filmés par des caméras de surveillance et ces images seront projetées sur les murs. Le point de vue va aussi constamment changer. Frédéric et Pascal ont trouvé une façon au théâtre de répondre à ce que j’ai envie d’exprimer, à l’aide d’une syntaxe de l’image." La trame sonore sera signée Ève Cournoyer.

Cette fois, Charlotte Laurier pousse l’expérience jusqu’au bout. Après mûre réflexion, elle a décidé de prendre à bras-le-corps le rôle de Nina. "Il y avait tellement longtemps que je n’avais pas joué… Recouvrer les outils que j’ai, que j’ai déjà connus, c’est le plus difficile, confie-t-elle, visiblement émue. On sait que c’est là, qu’on y a déjà touché. Et soudainement, il y a une brèche et on redécouvre la source. Toi, la comédienne que tu as toujours été, qui s’était éteinte un temps. Comme un volcan qui se réveille." Pour notre plus grand bonheur, faut-il le dire. Avec Marie Charlebois, Joëlle Morin et Julie Vincent, pour six représentations seulement.

Du 10 au 15 avril
À la Société des arts technologiques

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