Denis Bouchard : Serrer la main du diable
Denis Bouchard boucle la trilogie de Claude Meunier en montant Appelez-moi Stéphane. Après Les Voisins et Les Noces de tôle, voilà une satire sur l’abus de pouvoir des beaux parleurs.
Ce sera la troisième fois que Denis Bouchard monte un texte du créateur de La Petite Vie. "J’aime aller au bout de l’œuvre de quelqu’un, affirme l’acteur et metteur en scène. Et je m’identifie au monde de Claude Meunier. Ses pièces vieillissent souvent très bien. Sa pièce Appelez-moi Stéphane, écrite avec Louis Saïa, est toutefois un peu plus spécifique que les autres puisqu’il s’agit de théâtre dans le théâtre."
En effet, Jean-Guy, Réjean, Louison, Gilberte et Jacqueline sont inscrits à l’atelier de théâtre amateur animé par Stéphane, un acteur sur le déclin. Entre les exercices de découverte de soi et la préparation d’une petite pièce, Stéphane s’amusera à pousser ses ouailles dans une détresse psychologique au nom de son art. "C’est évident que ça va rejoindre la personne qui a déjà fait un atelier quelconque, explique Bouchard. Mais ça reste l’histoire d’un charlatan qui manipule du monde. Tout le monde en a connu un. Que ce soit un vendeur qui essaie de te vendre une assurance ou encore quelqu’un qui vend des boules de Noël à 50 dollars avec un drapeau du Canada dessus! laisse-t-il échapper, espiègle. Stéphane, c’est le beau parleur, celui qui peut te faire réaliser que tu as des problèmes que tu ne savais même pas que tu avais. Il fait de la psychologie à 5 cennes. Et la pièce flirte un peu avec la télé-réalité, c’est-à-dire avec le fait de prendre la vie ordinaire et d’en faire quelque chose de magnifié."
Le metteur en scène, de concert avec les auteurs, a choisi d’actualiser certains aspects de la pièce écrite il y a 25 ans. "Il n’y avait pas d’intérêt à laisser la pièce dans les années 80. On a donc modifié des références à des publicités de l’époque. Pour le reste, le Parti québécois est encore là, il y a toujours un référendum dans l’air. On pouvait néanmoins se permettre de parler de quelqu’un d’autre que de René Lévesque. Et de parler de Virginie au lieu de Quelle famille!. Les personnages sont quant à eux restés ce qu’ils étaient. On n’a pas changé leur statut. On a juste changé leurs costumes!"
L’évidente partie de plaisir peut toutefois comporter certains risques. "Ce n’est pas facile de jouer du Meunier, contrairement à ce que l’on pourrait penser. Il faut le travailler comme s’il s’agissait d’un Tennessee Williams, mais Meunier fait du "une ligne, un punch". Le dosage entre les deux n’est pas si facile à trouver. Je choisis souvent les mêmes acteurs pour ces raisons-là. Il reste qu’on a environ cinq mille gags à vérifier."
Contrairement au choix scénographique des Voisins, la mise en forme sera cette fois réaliste. "Appelez-moi Stéphane est plus conformiste de par son unité de lieu. On s’est dit qu’il serait intéressant que ça se passe dans un théâtre qui offre des ateliers à des amateurs, comme le TNM ou certains théâtres en région. Puisque la salle du Théâtre Jean-Duceppe est trop vaste pour utiliser son réel environnement, nous avons donc inventé un nouveau théâtre. Les personnages de la pièce montent un petit vaudeville, risible d’ailleurs, et nous pouvons ainsi exhiber toute une machinerie théâtrale."
Meunier affirme qu’il écrit désormais avec davantage de compassion pour ses personnages. Denis Bouchard confirme qu’il se sent moins féroce: "Quand on vieillit, on ressent moins le besoin de frapper sur les personnages pour leur donner un sens. C’est déjà un plaisir de laisser couler le texte. On n’a pas besoin de pousser dessus. Le point de vue de l’auteur est déjà bien assez clair."
Du 13 avril au 21 mai
Au Théâtre Jean-Duceppe
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