28 28 : Neige noire
La pièce 28 28 a de nobles intentions, qui ne trouvent pas toujours leur pleine mesure.
Cette année, le Théâtre Deuxième Réalité fête ses dix ans d’existence. Pour l’occasion, Alexandre Marine, metteur en scène attitré de la compagnie, a choisi de créer 28 28, son deuxième texte dramatique. Si le "conte pour adultes" traduit par Anne-Catherine Lebeau recèle une langue et un propos des plus prometteurs, celui-ci ne trouve sur scène qu’une bien approximative concrétisation.
Au cœur de cette histoire, il y a quatre personnages en fuite, quatre apatrides dont on ne connaît pas les véritables noms. Celui qui se fait appeler Bertrand (Igor Ovadis) a reçu à la naissance un don d’invisibilité. Incapable de supporter les affres de la popularité entraînée par son exceptionnel talent, l’homme s’enfuit dans une montagne enneigée. Au sommet, Mira (Maria Monakhova) construit une ville blanche pour oublier son douloureux passé. Troublant cette quiétude, deux skieurs plutôt louches (Peter Batakliev et Vitali Makarov) font leur entrée. La suite révélera que les trajectoires de ces individus se recoupent cruellement.
Malgré des situations cocasses, des répliques satiriques émaillées d’une poésie imaginative, une trame dramatique sous-tendue par un propos lucide sur la manière dont les humains de la planète entière sont liés par leurs drames, le spectacle ne prend jamais véritablement son envol. Bien qu’elles fassent sourire, les musiques circassiennes de Dmitri Marine surgissent à des moments souvent inopportuns. Dans un décor minimal, les éclairages soignés de Marie-Ève Pageau parviennent à évoquer avec humour les "disparitions" de Bertrand. L’interprétation, généralement outrancière, nuit à l’efficacité de certains passages. En misant de la sorte sur l’aspect physique (bondissements, roulades, empoignades et combats), la mise en scène semble manquer de confiance envers les enjeux du texte. Bien que le créateur ne rende pas justice à une fable qu’il a lui-même ficelée, son spectacle est louable en ce qu’il cherche une manière d’énoncer les horreurs de l’humanité. Dans un pays où plusieurs pensent, comme Bertrand, que la guerre "est quelque chose de très lointain qui n’a pas vraiment de rapport avec nous", la prise de parole de Marine s’avère, en soi, méritoire.
Jusqu’au 23 avril
Au Théâtre La Chapelle
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