Sarah Chase : Oiseau du paradis
La Torontoise Sarah Chase est de passage au Studio de l’Agora, dans le cadre de la série Danse Danse, pour nous présenter sa pièce Bird. Constat poétique de l’éphémère.
La chorégraphe-interprète, que nous avons rejointe lors d’une escale à Vancouver, nous a fait l’honneur d’un entretien des plus enrichissants sur son œuvre. "Comme son titre l’indique, le thème principal de la pièce, c’est les oiseaux. Mais il s’agit plus particulièrement d’une espèce qu’on nomme le Passenger Bird. Ou plutôt, qu’on nommait ainsi… car cette race, qu’on retrouvait encore en Ontario il y a près de 150 ans, a subi une drastique extinction au cours du 19e siècle. Selon certains récits d’époque, les volées de ces tourtes voyageuses étaient si impressionnantes qu’elles pouvaient durer trois jours. À ces moments-là, le ciel s’obscurcissait totalement et on pouvait percevoir un genre de grondement semblable à celui du tonnerre. Stupéfiant!"
Qu’est-il arrivé à ces oiseaux? Devinez… Mais oui! le même sort qu’à plusieurs espèces vivantes de cette planète ayant eu le malheur de côtoyer de trop près la main de l’Homme blanc, qui s’est longtemps servi – et se sert encore – sans se soucier du lendemain. "Ces volatiles faisaient leur nid dans les arbres des parcs. Or, quand on a commencé à procéder à des coupes industrielles, on a en quelque sorte détruit une partie importante de leur écosystème." Sarah Chase se dit nostalgique de cette époque où tous ces oiseaux remplissaient le ciel du parc de sa ville natale. Elle s’assoit parfois sur un banc et se met à imaginer comment ça pouvait être.
C’est d’ailleurs ce mélange de fantaisie et d’informations véridiques recueillies sur le propos qui constitue le noyau dur du processus de création. Car l’artiste canadienne s’est, entre autres, inspirée du récit d’une femme – Grace – ayant vécu au 19e siècle pour écrire le texte poétique qui sera récité durant le spectacle par la danseuse, en parallèle à la danse. Mais comme on l’imagine, le thème des oiseaux n’est qu’une porte d’entrée vers un sentiment beaucoup plus grand: celui de l’éphémère. "C’est incroyable d’imaginer que quelque chose qui a existé à une certaine époque ait pu totalement disparaître. Ça nous confronte au fait que les choses et les gens ne sont pas éternels. Nos parents, nos amis, toutes les personnes qui font partie de notre réalité… Et puis, ça fait réfléchir sur la manière dont les gestes posés par l’être humain peuvent contribuer à façonner notre environnement."
Sarah Chase fait partie de ces gens qui entretiennent des relations de confiance durables, en amitié comme dans le domaine professionnel. "Entre mon concepteur d’éclairages Hans Meijer, le compositeur Bill Brennen et moi, il y a une sorte de triangle symbiotique de création qu’on entretient depuis environ 1997-98. On a tout créé en parallèle. Bill s’est inspiré autant de mes textes que du mouvement pour composer la partition musicale qu’il va interpréter en temps réel sur scène, en ma compagnie."
La chorégraphe-interprète possède un vocabulaire de base qui lui sert de banque de mouvements à l’intérieur de laquelle elle puise lors de représentations scéniques de Bird. "En fait, le texte que je récite est toujours le même, mais la trame chorégraphique que j’interprète en parallèle est appelée à changer de fois en fois. D’une certaine manière, j’improvise dans un cadre bien précis." Il est vrai que la thématique de l’éphémère s’accommoderait difficilement d’une structure figée. De plus, la riche expérience de cette interprète ayant frayé avec les Benoît Lachambre, Peggy Baker et Alexander Baervoets lui permet d’effectuer en toute quiétude ce genre d’exploration.
Du 26 au 30 avril
Au Studio de l’Agora