Impératif présent : Plongée en eaux troubles
Scène

Impératif présent : Plongée en eaux troubles

Impératif présent, de Michel Tremblay, nous convie à un face-à-face où se mêlent, en un alliage étonnant, âpreté et  tendresse.

Trois fois par semaine, Claude, 55 ans, se rend auprès de son père, Alex, malade et aphasique. Il prend soin de lui – le rase, le lave -, lui parle. Après une brouille de 30 ans, ces rencontres au cœur du quotidien le plus humble, le plus intime, font surgir en lui, devant ce père désormais absent d’esprit, du moins en apparence, les souvenirs, les réflexions. À travers cette rencontre, et son revirement en deuxième partie, Impératif présent donne lieu à un parcours où se heurtent, en autant de fragments, les émotions contradictoires, les visages divers d’un passé révolu, et les traces qu’en portent toujours les protagonistes.

Par l’évocation de gestes quotidiens, les aveux, la douleur ou la rancune, la pièce progresse jusqu’au cœur des personnages et de leurs incompréhensions. Le parallélisme du texte, que reprend la mise en scène, y contribue largement: chaque parole devient l’écho d’une parole déjà entendue, fidèle ou distorsionnée, chaque geste permet de mesurer l’écart entre réalité et interprétation, la distance entre père et fils. Sur scène, deux comédiens à la tâche difficile, s’attaquant chacun à un long monologue. Jacques Leblanc et Jacques-Henri Gagnon livrent une interprétation en général touchante, remarquable surtout par son habileté à transmettre les émotions changeantes des personnages. Marie-Ginette Guay leur ouvre la voie par une mise en place soignée et une direction d’acteurs attentive.

Tout autour, un décor froid (Michel Gauthier), chambre de clinique anonyme, lieu unique et aseptisé d’où s’élance cette plongée vers les profondeurs; derrière, trois grands cubes que transforment, au fil de la rencontre, les éclairages de Denis Guérette. Musique (Yves Dubois) et bruits secs – verre cassé, glace qui s’effrite – suivent les mouvements de ces deux êtres qui, par la force des événements, entrent en friction.

Le texte propose un pari difficile, exigeant. En résultent quelques longueurs et inégalités dans l’interprétation. Impératif présent, occasion de goûter l’écriture vive, pertinente de Tremblay, est toutefois un spectacle plein d’humanité, offrant des images troublantes. Parmi elles, la très belle finale, aux possibilités d’interprétation multiples: effacement de toute mémoire ou reconstruction du passé, lavant les affronts?

Jusqu’au 7 mai
Au Théâtre du Trident

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