Cabaret Décadanse : Les manipulateurs sont parmi nous
Scène

Cabaret Décadanse : Les manipulateurs sont parmi nous

Après l’Asie, l’Europe et l’Amérique du Sud, les marionnettes de Soma se posent enfin: leur Cabaret Décadanse sera de passage au Théâtre Granada dans le cadre d’une toute première tournée en sol natal.

La marionnette québécoise a le vent dans les voiles. Ce ne sont encore que de petites voiles, évidemment, mais le vent est bon et souffle vers des scènes de plus en plus importantes. La compagnie Soma peut même se vanter de n’avoir présenté son premier spectacle qu’à l’étranger – ou presque. Depuis sa création lors de l’édition 1999 du Festival Juste pour rire, le Cabaret Décadanse ne s’est en effet arrêté qu’à Montréal.

Soma, c’est d’abord trois hommes: Raynald Michaud, Enock Turcotte et Serge Deslauriers (respectivement metteur en scène, chorégraphe-marionnettiste et concepteur-marionnettiste). "On s’est connus en tournée avec le Théâtre Sans Fil, explique Raynald Michaud. Un jour, dans un moment de répit, on s’est mis à faire des numéros juste pour le plaisir. Pas de producteurs, pas de commande… Aucune contrainte! Pas beaucoup de moyens non plus, mais énormément de plaisir!"

Si les trois compères donnent dans la marionnette "pour adultes", la décadence de leur cabaret n’excède toutefois jamais les limites de la décence. "On est obligés de spécifier "marionnettes pour adultes", poursuit M. Michaud, non pas parce que ça choque les enfants (au contraire, on en voit beaucoup, et ils s’amusent!), mais pour indiquer aux adultes qu’ils vont aimer ça, eux aussi."

Il s’agit donc d’un spectacle grand public. Et comme tout bon cabaret, il est composé d’une série de numéros dansés et chantés par des stars oubliées: capricieuses, mystérieuses, langoureuses, elles ne vivent (littéralement) que pour la scène, où elles brillent de toutes leurs paillettes. On en oublie presque que ce ne sont pas leurs propres voix qu’on entend, mais celles de Shirley Bassey, Angelique Kidjo, Nicole Croisille, Rose Murphy…

Il faut dire que leurs deux manipulateurs sont des virtuoses. Qu’ils interagissent avec leurs vedettes où qu’ils s’effacent complètement, Enock Turcotte et Serge Deslauriers ont atteint ce niveau de maîtrise où la technique disparaît derrière la vie qu’elle fait naître. "Depuis le début, on essaie de donner l’impression que c’est la marionnette qui manipule le marionnettiste, explique M. Michaud. Parce que quand vous suez comme un bon aux deux tiers d’un show, je vous jure que vous vous demandez sincèrement qui manipule qui!"

À en juger par les critiques dithyrambiques qu’elles collectionnent, leurs marionnettes manipulent en tout cas très bien le public. Il faut dire que leur effectif a augmenté: elles sont passées de trois à neuf et comptent maintenant dans leurs rangs une maîtresse de cérémonie (Amphitriona, manipulée par André-Anne Le Blanc). "C’était une comédienne qui faisait l’animation avant, mais ça brisait l’esthétique du show." L’équipe de Soma a par ailleurs inventé un idiome burlesque – une sorte de "franglespagnol" – afin qu’Amphitriona soit comprise de tous ses publics. "Une chance qu’on a un show évolutif parce qu’on commencerait à s’ennuyer, lance M. Michaud. Dès qu’on a une idée, on l’essaye. Souvent, en tournée, on se retrouve dans une chambre d’hôtel avec nos marionnettes pour faire des tests, essayer d’aller plus loin. C’est un peu obsessif, mais bon… C’est ça, la passion!"

Le 30 avril
Au Théâtre Granada