Isabelle Van Grimde : Libre échange
Scène

Isabelle Van Grimde : Libre échange

Isabelle Van Grimde investit le Studio de l’Agora pour y confronter musique et danse à l’intérieur d’une structure d’improvisation répartie sur trois soirs.

Les Chemins de traverse que la chorégraphe Isabelle Van Grimde nous propose semblent permettre des orientations multiples. Nous l’avons laissée s’exprimer sur ce sujet lors d’une entrevue qui s’est déroulée dans l’ambiance sympathique d’un petit café du Mile-End, à quelques pas du studio de répétition où elle explorait ce jour-là, en compagnie des danseurs. "Le titre de la pièce propose une image qui fait référence à ces diverses avenues qui se présentent à nous lors du processus de création. Les Chemins de traverse, c’est ce point de jonction, ce carrefour, qui permet d’emprunter les diverses pistes de travail qui, sans cela, ne pourraient l’être."

Afin d’explorer le plus d’avenues possible, la chorégraphe présente au public une structure d’improvisation qui n’est pas la même d’un soir à l’autre. En ce sens, elle fera improviser les danseurs avec des ensembles musicaux différents à chaque représentation, ce qui nous donnera la chance d’entendre, le jeudi 5 mai, la formation de jazz contemporain Thom Gossage Other Voices; le vendredi 6 mai, le Nouvel Ensemble Moderne (NEM), sous la direction artistique de Lorraine Vaillancourt; et le samedi 7 mai, le compositeur et improvisateur Michel Frigon, entouré de deux autres musiciens.

"La structure d’improvisation que j’utilise se distingue toutefois des grands courants d’improvisation que l’on connaît en danse. Je m’identifie davantage aux techniques d’improvisation utilisées en musique. Par exemple, la juxtaposition rythmique, la fragmentation, la rétrogradation, etc." Des procédés, m’a-t-elle confié, dont elle se sert lorsqu’elle est en studio avec les danseurs pour générer un vocabulaire de base qui permettra ensuite, à l’intérieur d’un dialogue avec les musiciens, de générer des phrases gestuelles spontanées. "Cette période d’improvisation en studio est d’ailleurs très fertile et nécessaire, dans la mesure où elle permet de créer du matériel dont la fonction première sera d’informer le corps des danseurs de ce qui s’en vient…"

Durant notre conversation, je dénote chez Isabelle Van Grimde un intérêt marqué pour l’alchimie, le mystère, les éléments qui nous échappent… "Francis Bacon disait: "La fonction de l’art, c’est d’approfondir le mystère"", me lance-t-elle d’ailleurs. La chorégraphe assume totalement son rôle de chercheuse et d’intellectuelle. Elle ressent le constant besoin de nourrir son travail de conversations et de réflexions qu’elle aura pu avoir en compagnie de penseurs issus de divers domaines. "À ce compte, j’ai commencé une série d’entretiens avec des philosophes, scientifiques et autres sur le thème du corps. Question de recueillir d’autres points de vue sur ce sujet et de continuer de renouveler ma propre perception du corps humain. Je trouve ce genre d’exercice très ressourçant."

Mais même si elle parle avec aisance et sans gêne de sa méthode de travail, Isabelle Van Grimde respecte l’aspect secret et souvent indicible de l’intuition artistique. "Trop en parler me donne parfois l’impression d’être réductrice face à la création. Chorégraphier, c’est justement donner corps à cet indicible qu’on ne saurait saisir autrement…"

Pour la chorégraphe, Les Chemins de traverse sont une ode à la générosité des interprètes – de tous domaines -, qui jamais n’hésitent à se lancer à corps perdu dans les aventures artistiques qu’on leur propose et qui participent, par extension, à l’émancipation de ceux qui les dirigent. La substantifique moelle de toute création, quoi.

Du 5 au 7 mai
Au Studio de l’Agora