François Massicotte : À craquer
Scène

François Massicotte : À craquer

François Massicotte ne fait plus l’humour comme à ses débuts. Âgé de 38 ans et inspiré par son travail à la télé (Testostérone et sa sitcom 450, chemin du Golf), il découvre doucement le plaisir de la comédie.

Au moment de clore son troisième one man show, François Massicotte était fatigué de la vie de tournée. Il n’en pouvait plus des motels cheap et de leurs petits savons à mains, des repas copieux au resto et des longues journées passées sur la route loin du confort de sa maison. Cependant, après deux années à faire rire à la télé, le Trifluvien dit éprouver un malin plaisir à remonter sur les planches. Surtout que son nouveau spectacle, Massicotte craque, détonne quelque peu avec ses projets antérieurs.

L’humoriste, connu pour ses prestations comme stand-up, explore désormais d’autres facettes du métier. Sans délaisser totalement son premier amour, il se permet de toucher à la comédie. Il incarne ainsi trois personnages à l’intérieur de son show, qui pour la première fois bénéficie d’une véritable mise en scène. C’est Sylvain Marcel, son comparse dans 450, chemin du Golf, qui s’est occupé de ce volet plus technique. "Il m’a amené à jouer beaucoup plus physique, plus visuel. Je mime plus mes affaires. Il y a plus de folie…" souligne le grand blond. Cette transformation n’a pas été réalisée sans peine. "Il a fallu répéter beaucoup. Je n’ai jamais autant répété avec lui (Sylvain Marcel), parce qu’il avait son angoisse de metteur en scène. En théâtre, ça répète tout le temps avant de faire un show. Nous autres, en humour, on fonctionne différemment. On le fait sur scène. On le fait, on le fait, on le fait… et un moment donné, c’est ça! On le découvre en le faisant. C’est un work in progress. […] C’est donc un mélange des deux. J’étais très ouvert à ça parce que, pour un quatrième show, il fallait qu’il y ait des choses différentes. Il fallait aussi que ce soit nouveau dans la manière de travailler."

UN NOUVEAU GENRE

En plus de revisiter sa présence scénique, Massicotte, qui est aujourd’hui père d’un jeune garçon, modifie légèrement la cible de ses blagues. Finie l’époque où il voulait faire rire à tout prix. Concerné par la société dans laquelle son fils va évoluer, il aiguise ses propos, colle ses histoires à des sujets d’actualité, d’où son personnage de l’armée catapulté en Irak. "J’ai écrit ça avant l’histoire du sous-marin Chicoutimi, avant l’histoire des hélicoptères qui ont "crashé". C’est tout le temps la même histoire avec l’armée!" dit-il en pouffant de rire. Optimiste malgré tout quant à l’évolution de la planète, l’humoriste se permet quelques coups de masse durant son spectacle. "L’alcool au volant, les vidéopokers, même la cigarette… Il y a un paquet d’affaires qui me font dire: "Pouvons-nous mettre nos culottes et enlever ça de là!" On est trop tolérants. C’est beau la tolérance, mais d’un autre côté, à rien faire tu te fais piler sur les pieds et tu ne te fais pas respecter."

Ce changement de cap l’amène aussi à manœuvrer sur un terrain glissant. Diagnostiqué maniaco-dépressif, François Massicotte a créé un numéro sur cette maladie. "Ça faisait longtemps que je voulais faire quelque chose là-dessus, mais je ne trouvais pas l’idée. Je ne savais pas comment l’aborder, quel angle prendre. De quoi je parle? Je l’explique? Je raconte ce qui s’est passé? C’est là que Marcel a dit: "Tu vas jouer un haut et un bas. Tu vas faire un numéro d’interprétation, de performance." J’arrive donc avec mes pilules et j’explique qu’il y a des hauts et des bas. Et paf! Je pars dans un haut. Je passe du coq à l’âne. Je suis tout excité. Et c’est ça un haut. Tu le vois. Tu n’as pas besoin que je te l’explique, je te le montre. C’est encore mieux, plus percutant, plus fort. Et après ça, on est down. C’est plus tranquille. Je n’ai pas envie de voir personne. Là, tu vois la dépression. Je m’en vais m’"effouarer" sur le sofa et la voix tombe. C’est drôle! Ça rit pareil. Parce qu’on le voit; je le démontre. Je suis très content de ce numéro-là. Ça fesse fort et c’est le numéro dont les gens parlent le plus. C’est un numéro original. Personne n’en avait jamais parlé. C’est un sujet pas évident, tsé, la maladie mentale…"

LE PARADIS

Après presque 20 ans de métier, se sent-il parfois attiré par une carrière outre-mer? "Non, je suis très bien ici. Je suis très privilégié, très gâté. Je trouve aussi que le bonheur, c’est de se rendre compte de ce que tu as et de ne pas trop espérer en vouloir plus. Pour moi, espérer faire carrière en France serait espérer quelque chose dont je n’ai pas besoin." Au contraire, le Québec se révèle être un véritable terrain de jeu pour les humoristes francophones. "C’est le paradis des humoristes. Par exemple, je connais un Montréalais anglophone qui fait du stand-up. Il fait ça depuis 10 ans et il a fait le Théâtre Saint-Denis pour la première fois l’été passé. Il y a longtemps qu’on fait le Saint-Denis, nous autres! Lui, il fait des shows à Terre-Neuve pour 400 piastres. Des conditions de première année pour nous autres. Lui, après 10 ans, il est encore là! Et c’est un des meilleurs. C’est fou, pour les anglophones, le marché n’est pas là. Mais c’est sûr qu’une fois que tu scores, c’est vraiment la gloire."

ET ÇA FAIT "CRAC"!

Au fil de la conversation, le titre de ce quatrième one man show devient de plus en plus fou. Massicotte craque-t-il vraiment durant la soirée? "Oui, je craque en partant. Dans ma maniaco-dépression, je craque. Je parle des choses qui me font craquer, je parle de mon fils… Je craque pour le monde. Et "craque", parce que j’ai cassé le moule des derniers shows que j’ai faits."

Le 6 mai à 20 h
À la Salle J.-A.-Thompson