Réjean Vallée : Moment charnier
Scène

Réjean Vallée : Moment charnier

Réjean Vallée signe la mise en scène de Cendres sur les mains, une pièce sur la guerre, où se rencontrent danse et théâtre, poésie et réalisme. Question de survie.

Quelque part où la guerre fait rage, deux fossoyeurs (Stéphan Allard et Christian Michaud) s’acquittent de leur sale besogne en cherchant à en atténuer les inconvénients, tandis que, de son côté, une rescapée (Sylvie Cantin) soigne les corps des morts afin de leur redonner un peu de dignité et, ce faisant, de retrouver la sienne. Ainsi, la pièce Cendres sur les mains s’intéresse à "cette force de survie qu’on peut avoir en chacun de nous dans les pires situations, à cette façon d’aller puiser en nous l’amour qu’on a eu des nôtres par le moyen du souvenir", observe le metteur en scène Réjean Vallée. Et c’est la beauté de ce don qu’il a cherché à mettre en valeur.

Au court texte de Laurent Gaudé (de 45 à 50 minutes), il a par ailleurs eu l’idée de greffer des extraits de la chorégraphie Morta, d’Harold Rhéaume. "J’ai été frappé par la parenté qui existait entre ces deux œuvres, commente-t-il. C’est un spectacle qu’il a créé en hommage à une amie décédée et qui raconte la séparation d’un homme et d’une femme. Donc, il y a quelque chose de triste mais, en même temps, on y retrouve cette espèce de force de vie." Aussi, ce mariage n’a-t-il pas demandé trop de compromis: "J’ai intégré les danseurs (Harold Rhéaume et Lydia Wagerer) aux scènes de la rescapée; ils représentent les morts dans le charnier. Et ça correspond absolument. Par exemple, à un moment donné, elle dit: "Je ferme les yeux, je caresse le visage", et il y a ce geste dans la chorégraphie. Comme quoi ces deux pièces étaient vraiment faites pour se rencontrer."

Amalgame de danse et de théâtre, la pièce Cendres sur les mains entrelace également réalisme et lyrisme. "La rescapée passe dans une autre dimension du fait qu’elle a traversé l’horreur, explique-t-il. Elle est à un niveau de conscience beaucoup plus élevé que les fossoyeurs. Donc, sa façon d’être et de parler apparaît plus poétique comparativement à celle des deux autres qui, aux prises avec des problèmes très quotidiens, ont un niveau de langage plus terre à terre." Ceux-ci confèrent d’ailleurs à l’ensemble une touche d’humour absurde venant contrebalancer le drame de l’héroïne, un personnage qu’il n’a du reste pas voulu trop éthéré, pour que le public puisse s’identifier à lui.

De même, c’est pour que le spectateur se sente interpellé qu’il a opté pour une petite salle (de 65 à 80 places): "Parce que la guerre, c’est quelque chose qu’on voit dans les médias, c’est un phénomène qu’on trouve terrible, mais qui ne réussit pas à nous rejoindre profondément, je pense. Alors, ma façon de faire participer les gens, c’est de les asseoir très proche des comédiens pour qu’ils ressentent bien toute l’émotion, qu’ils voient les yeux, les expressions. Aussi, on a choisi, avec Christian Fontaine (scénographe), de donner l’idée d’un camp de réfugiés. Si bien que plusieurs spectateurs seront assis sur des grosses caisses, des valises – avec de petits coussins, évidemment. Mais je voulais qu’ils ne soient pas trop confortables pour ne pas qu’ils aient de recul face à ça, pour qu’ils soient impliqués dans l’histoire, même corporellement." Engagez-vous, qu’y disait.

Jusqu’au 14 mai
Au Théâtre Périscope

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