Corteo : Du plomb dans l’aile
Corteo, le nouveau bébé du Cirque du Soleil, nous entraîne dans une Italie fantasmagorique. Retour sur une naissance difficile.
Arlequin se démenait dans des habits trop grands, jeudi dernier. C’est que Corteo, dix-septième et nouvelle production du Cirque du Soleil, avait les ailes un peu engourdies pour un soir de première. On a suffisamment parlé de l’interruption de 40 minutes pour cause d’anges coincés en plein vol, des galipettes approximatives ou encore des musiciens (divisés, il faut le dire, en quatre îlots) perdant parfois le rythme. Ne revenons pas davantage là-dessus, sinon pour dire que du haut de son succès, l’empire du rêve et du divertissement avait la responsabilité de donner encore quelques tours de tournevis avant le saut de l’ange.
Voilà pour le pot, les roses maintenant. Corteo, cortège en italien, c’est le défilé féerique des personnages et fantasmes ayant accompagné la vie d’un saltimbanque, sur son lit de mort dans le premier tableau. Un dernier tour de piste qui promet d’être tout sauf triste, noce prometteuse du cirque moderne et des traditions foraines.
Première alliance du Cirque du Soleil et de l’homme de théâtre suisse Daniele Finzi Pasca (proche collaborateur du Cirque Éloize), Corteo nous plonge dans un univers digne de Chagall, empruntant au Carnaval de Venise, à la commedia dell’arte, à Fellini. Délicieuse orientation, née des teintes d’un tableau d’Adolphe Willette, plus sobres que ce à quoi nous ont habitués Guy Laliberté et sa suite. Toujours, le côté festif s’accorde au bon goût, colorant sans excès les musiques (Philippe Leduc et Maria Bonzanigo), les costumes de Dominique Lemieux et les multiples finesses scéniques de cette disposition bifrontale (cette fois, le public du Cirque entoure complètement la scène).
Parmi les numéros – dont la plupart revisitent, souvent sans beaucoup de flafla, des concepts archiconnus – on compte une époustouflante démonstration de jonglerie, les prouesses d’une funambule sur un fil de fer incliné à 45 degrés, les trapèzes volants… Puis, on goûte particulièrement certains tableaux tout simples, tel celui où une naine est suspendue à d’énormes ballons gonflés à l’hélium, qu’un clown aide à prendre son envol et que les spectateurs font rebondir dans les ho! et les ha! d’une foule où on ne compte soudain plus que des enfants.
Une splendide matière brute, donc. Il suffira d’élaguer. Ce qui aura l’avantage de raccourcir un spectacle trop long, qui doit durer, même sans pause inopinée, plus de deux heures et demie. Par exemple, on ne regretterait pas longtemps ce numéro d’une balle de golf se moquant du golfeur, à peu près inutile. Quant à la brillante idée d’un théâtre miniature métamorphosant les deux nains de la distribution en tragédiens espiègles, sorte de mise en abyme synthétisant toute l’essence du spectacle, faudra resserrer sérieusement. Pour l’instant, le flash s’étiole bien vite…
Le cortège a une longue route devant, qui passera par Québec et Toronto plus tard cette année, puis par les États-Unis et les chemins du monde. Pour ma part, je me promets de recroiser un de ces quatre ce Corteo dont la facture définitive devrait laisser tout le monde aux anges.
Jusqu’au 19 juin
Au Vieux-Port de Montréal
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