Le Théâtre Kaminata : Entre quatre murs
Scène

Le Théâtre Kaminata : Entre quatre murs

Le Théâtre Kaminata offre une vision plutôt sage d’un texte pourtant vif et satirique.

Ce sont de bien grinçantes scènes de la vie conjugale que donne ces jours-ci à voir et à entendre le Théâtre Kaminata. Patrice Savard dirige la création nord-américaine de La Cheminée, une pièce du Bulgare Margarit Minkov où s’affrontent, de manière métaphorique, les grands courants idéologiques du XXe siècle.

Perdant peu à peu la mémoire, Iris et Henri sont enfermés dans un appartement où la porte n’est qu’un trompe-l’œil et la cheminée, un trou dans le mur. Nageant dans les eaux de l’absurde, les membres de ce couple pour le moins dysfonctionnel ne sont pas sans rappeler ceux du célèbre tandem imaginé par Beckett. Traversant des crises existentielles pour le moins antagonistes, engagés dans une quête identitaire à grand déploiement, les deux individus s’indignent à propos de tout et de rien. Abordant des questions d’ordre intime, amoureux, social, politique, etc., les protagonistes se livrent à de brillantes redéfinitions de leurs rapports au monde. Dans la peau d’Henri, Richard Lemire se révèle tout à fait convaincant de rage contenue. Doté d’un souffle et d’une souplesse langagière certaine, le comédien sert fort bien son extravagant personnage. À ses côtés, Marina Lapina – dont l’accent rend plus ou moins audibles certaines de ses répliques – donne à son Iris une exaltation parfois agaçante. Sur scène, outre la porte peinte et la cheminée sans feu, une grande échelle évoque la fenêtre par où Iris et Henri observent, effrayés, la société totalitaire dans laquelle ils "vivent".

Malheureusement, la mise en scène pèche par son manque d’audace. Oscillant entre le grave et le comique, sans jamais s’engager pleinement dans l’une ou l’autre des avenues, la représentation piétine et hypnotise. Resserrée, cette Cheminée aurait de bonnes chances de gagner la force de frappe qu’elle mérite. Empruntant de manière fructueuse au modèle du huis clos, truffé de lumineuses formules philosophiques qui déclenchent le rire aussi bien que la réflexion, le texte cultive l’ironie et la dérision envers les pouvoirs abusifs de la politique. Constituant la plus grande qualité de cette production, la pièce de Minkov vaut à elle seule le détour.

Jusqu’au 30 avril
À la Salle intime du Théâtre Prospero

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