Stéphane Jacques : Le bruit des choses vivantes
Scène

Stéphane Jacques : Le bruit des choses vivantes

Stéphane Jacques poursuit le travail amorcé l’automne dernier avec Forces d’August Stramm. L’acteur se mesure cette fois aux suspensions d’Harold Pinter dans une première mise en scène de la chorégraphe Estelle Clareton.

Stéphane Jacques en a surpris plus d’un lors du passage à Montréal du metteur en scène français Stanislas Nordey. Et pour cause. Le comédien y aura découvert la charge d’un texte qui couve la tragédie au lieu de l’énoncer, une caractéristique que l’on trouve également chez l’auteur britannique de Comme en Alaska, étrangement absent des scènes québécoises. "Je crois que Harold Pinter n’est pas beaucoup monté ici car à la simple lecture, on ne comprend pas à quel point c’est bien foutu. Tout simplement parce que tout se passe dans les silences, explique l’acteur. Quand on joue un texte pareil, où l’enjeu est dans l’espace entre les répliques, il est tentant de coller des interprétations personnelles. Mais on ne peut pas adapter un texte de Pinter en fonction de la construction de personnage que l’on s’est faite. Pinter écrit avec une telle rigueur… Il n’y a rien de superflu, alors chaque mot et chaque silence deviennent essentiels."

Pinter raconte ici l’histoire de Deborah, une femme qui s’éveille aux côtés de sa sœur et d’un homme mystérieux après avoir été alitée, immobile, durant 29 ans. "Ce qui est particulier dans la maladie dont Pinter parle, c’est qu’il ne s’agit pas du coma mais d’une encéphalite, précise Stéphane Jacques. Il s’agit de ces gens qui gardent toute leur lucidité mais qui sont incapables de bouger le corps, dans une totale immobilité physique. Ils se retrouvent emprisonnés vivants. C’est terrifiant. La pièce parle de la maladie mais aussi de l’accompagnement", poursuit celui qui interprétera l’homme au chevet de Déborah. Un rôle qui demande générosité et humilité en raison de l’économie de mots et de l’immense portée de l’attente muette.

L’acteur mettra donc à profit ses récentes découvertes. "Comme Nordey, je crois que l’acteur devrait arrêter de chercher à plaire afin de travailler sur la matière, en l’occurrence le texte et les choses qui s’y cachent. Je trouve cette approche vraiment fascinante, révèle Stéphane Jacques, visiblement ravi de poursuivre dans la même voie. Je pourrais faire des contes urbains jusqu’à plus soif, mais pourquoi? Je préfère creuser quelque chose où je peux apprendre. Beaucoup d’acteurs se laissent prendre au piège de la séduction, car il est très enivrant. Je suis heureux au Quat’Sous parce qu’on y travaille davantage sur la matière que sur la marquise!" lâche-t-il sur un ton sans équivoque. "Il y a aussi que notre milieu est petit et a des attentes. On m’offre souvent des rôles semblables alors que j’aime quand on me permet de rester vivant. On ne s’en rend pas compte, mais le règne du casting encourage un business dangereux pour la santé de la création. Un acteur a le devoir de se mettre en danger constamment. J’aime quand on me demande, par exemple, de travailler un texte qu’il faut lire trois fois avant d’en comprendre l’essence, car il pousse à la recherche."

Réticent à nous livrer les choix artistiques de la chorégraphe touchant pour la première fois à la mise en scène, Stéphane Jacques se contente d’esquisser un parallèle. "Nordey avait des oreilles, Clareton a des yeux. Elle crée des impressions par l’image. Je crois que les pièces de Pinter parlent au subconscient du spectateur. Et cette pièce ne fera pas exception." Suzanne Lemoyne, Anne-Sylvie Gosselin et les danseuses Anne Barry, Rosalie Ducharme et Judith Lessard-Bérubé font également partie de la distribution.

Du 2 mai au 11 juin
Au Théâtre de Quat’Sous

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