Téléroman : Miroir aux alouettes
Avec Téléroman, Larry Tremblay et Frédéric Dubois livrent une satire vorace de la télévision.
Il y a trois ans, à Québec, Frédéric Dubois et la dynamique équipe du Théâtre des Fonds de Tiroirs obtenaient un succès considérable avec une pièce de Larry Tremblay intitulée Téléroman. En guise d’opposition à l’anéantissement actuel de l’esprit critique, la pièce offre un portrait sarcastique de nos habitudes télévisuelles. Après Zazie dans le métro et Le Cid maghané, les Fonds de Tiroirs sont actuellement à Montréal pour présenter, entre les murs de La Licorne, une nouvelle mouture de Téléroman.
Comme Ogre, un brillant monologue dans lequel Larry Tremblay porte un regard acerbe sur l’intrusion de la télévision dans la sphère privée, la pièce Téléroman a été rédigée avant que les ondes de toutes les chaînes ne s’emplissent de télé-réalités. Cela n’empêche pas la pièce d’aborder des questions pertinentes relativement à cet inquiétant créneau télévisuel. Dans ce texte initialement écrit pour des finissants de l’UQAM, Tremblay démontre à nouveau son aisance manifeste à entremêler les différents récits. Sous sa plume, les univers se télescopent, la réalité se révèle plus fuyante que jamais. Arborant maquillages outranciers, perruques grotesques et disgracieuses combinaisons moulantes de couleur chair, les protagonistes sont de jeunes danseurs amateurs que Christophe, leur chorégraphe, a choisis en raison de leur "manque d’équilibre émotif". Censés répéter Cheval, l’œuvre "expérimentale et visionnaire" que dirige Christophe, les apprentis sont si imbibés de leur feuilleton préféré, si obnubilés par les aventures sans queue ni tête des héros de Piscine municipale qu’ils en oublient leur propre existence. À force de vivre par procuration et d’adopter les comportements de leurs idoles – comme eux, ils dévoilent sans raison les moindres détails de leurs traumatismes d’enfance -, les personnages finissent par carrément basculer dans cet univers fictionnel qui donne un sens à leur vie.
Évocation d’un vestiaire, la scénographie de Yasmina Giguère offre aux acteurs des casiers sans fond avec lesquels ils parviennent à faire des miracles. Exigu, le plateau est encerclé de téléviseurs où apparaît, tel Big Brother, l’image multipliée du farfelu et tyrannique chorégraphe (campé par un Frédéric Dubois désopilant). Sur scène, le multi-instrumentiste Pascal Robitaille crée un environnement sonore qui contribue grandement à la réussite du spectacle. De l’humour absurde au mélodrame larmoyant, la mise en scène arrive avec beaucoup d’aisance et d’imagination à tisser les différents registres de la pièce. Pour ce faire, Dubois compte sur sept comédiens particulièrement doués. Bien qu’il déclenche souvent le rire, Téléroman donne aussi une occasion en or de réfléchir sur nos comportements télévisuels et sur le rôle que tient dans nos vies ce qui n’est somme toute, comme le rappelle Larry Tremblay dans le programme, qu’"un petit point lumineux qui se déplace à une vitesse folle".
Jusqu’au 14 mai
Au Théâtre La Licorne
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