Le Héros des zéros : Les voix cybernétiques
Scène

Le Héros des zéros : Les voix cybernétiques

Avec Le Héros des zéros, les Productions musicales L’Artishow proposent un portrait du système de communication désaxé avec lequel évoluent les jeunes d’aujourd’hui.

Voilà maintenant près de 15 ans que l’Artishow œuvre assez timidement dans l’Outaouais en tant qu’organisme sans but lucratif qui forme une relève en production musicale. Après avoir présenté en tournée sa production Les Enfants de Don Quichotte (2000), l’organisme propose Le Héros des zéros, créé par la directrice générale et auteure-compositrice Jo-Anne Donoghue, et co-composé avec son fils Tristan Paquin. C’est à la suite d’une histoire vécue par ce dernier que la pièce s’est dessinée. Dans le style du théâtre musical, Le Héros des zéros raconte l’histoire de Ramz, un jeune étudiant à l’air timide qui décide de mettre sur pied un site Internet, le SWAT (Super Web des ados tannés), pour revendiquer le droit à la liberté d’expression des adolescents, avec un forum où tous les étudiants peuvent discuter à l’insu de la direction. Le site prendra de l’ampleur alors que des échanges secrets à l’origine de nombreuses rumeurs, des vidéos illicites et d’autres documents circuleront. "Les six personnages communiquent de différentes façons, soit en communication un à un, en dialogue avec caméra, en dialogue secret – lorsqu’un sujet est filmé à son insu – et finalement en conversation par Internet, donc le chat." Tous affublés de noms cybernétiques, tels que Mello, Vaïbe, M-Day et Dague, les personnages sont plongés au cœur des problèmes de communication qui caractérisent l’époque actuelle, dans une production qui laisse beaucoup de place au multimédia. "On a une approche un peu télévisuelle, un peu "roman-télé"", précise la professeure de chant et directrice, Mme Donoghue, qui assure ici la mise en scène. "Six personnages se parlent à travers Internet et avec d’autres moyens comme la caméra. Les jeunes se créent rapidement des façades et se laissent aller librement puisqu’ils se sentent protégés par l’écran. C’est un peu une réflexion sur comment les jeunes d’aujourd’hui peuvent réagir avec ce pullulement des médias et comment souvent ça peut dégénérer", explique Tristan Paquin.

VOUS AVEZ UN MESSAGE

Si on questionne beaucoup le pouvoir et l’influence que peut avoir Internet, on questionne aussi cette prise de parole des jeunes souvent bâillonnée. "Je crois que c’est important que la parole soit prise par les jeunes, qu’ils puissent revendiquer. Mais avec une masse de personnes, on perd vite le contrôle et ça peut se rendre jusqu’au libelle diffamatoire. (…) Dans le fond, on soulève des questions, mais à travers un moyen divertissant. Ça porte certainement à réflexion: "Qu’est-ce qu’on peut faire avec autant de liberté? Qu’est-ce qu’on peut faire avec les autorités? Comment est-ce qu’on peut servir la cause avec nos personnalités respectives?"" explique Tristan Paquin, en insistant sur le fait qu’il n’y a là aucune intention moraliste.

Malgré tout, Jo-Anne Donoghue se bat contre certains préjugés face à la comédie musicale et déplore que l’industrie veuille vendre des hits avant tout: "Les gens croient que la comédie musicale, faut que ce soit 100 $ le billet et que ce soit une méga-production pour que ça en vaille la peine. Or, il peut y avoir des petites comédies musicales, qui peuvent être extrêmement intéressantes au plan du contenu. On est pris avec une industrie qui veut sortir un disque, faire des tounes hits pour tourner à la radio. Ces gens sont convaincus que c’est la meilleure façon de vendre le show; ils ont peut-être raison, mais ils sont en train d’éduquer le public comme ça."

Ainsi, sur des musiques rock, les six comédiens-chanteurs – Kevin Fassett, Mélanie Bisson, Isabelle Lafond, Maude Baril, Joel Jean Beauchemin et Tristan Paquin – seront sur la scène de la Salle Jean-Despréz le 12 mai, et on vient d’ajouter une supplémentaire le 13 mai. Ensuite, la troupe compte bien faire une tournée des écoles secondaires de la région. Les spectacles seront alors suivis de rencontres avec les jeunes, qui alimenteront sans contredit les discussions.

Le 12 et 13 mai à 20 h
À la Salle Jean-Despréz