Les bonbons qui sauvent la vie : Portrait de famille
Scène

Les bonbons qui sauvent la vie : Portrait de famille

Les bonbons qui sauvent la vie, c’est l’occasion de prendre le miroir que nous tend le dramaturge Serge Boucher, et de nous regarder dans le blanc des yeux, sans mentir.

Ce n’est pas nouveau, Serge Boucher, qui a écrit Natures mortes, Motel Hélène et Avec Norm, a toujours su nous faire part de sa vision du monde avec brio. Il sait voir la tendresse à travers un banal geste du quotidien comme il comprend la douleur qui passe à travers une conversation sur le temps qu’il fait, sur le gâteau renversé d’une mère ou sur la nouvelle voiture d’un oncle. Il a mis le dialogue familial sous le microscope, l’a disséqué, l’a compris, et il nous le rend sur scène d’une manière dérangeante. Si tout le monde peut entendre à rire en reconnaissant la cousine un peu bête, la tante snob ou le beau-frère un peu… beauf, personne n’aime voir en spectacle ses propres travers et ses préjugés. C’est ce malaise qu’exploite avec justesse ce fils de Michel Tremblay, qui peut aussi nous faire tordre de rire.

Mise en scène par René Richard Cyr, la pièce met en vedette Maude Guérin (toujours aussi forte) dans le rôle de France, une maniacodépressive colorée qui se retrouve en prison. Là-bas, elle recevra la visite de sa mère (Véronique Le Flaguais), de sa sœur (Isabelle Vincent), dont elle a souffert toute sa vie la comparaison, et de son père (Michel Dumont), un homme dont la maladresse effraie, mais de qui France aimerait tant obtenir une reconnaissance. Plus que le pardon, qu’il n’arrive d’ailleurs pas à formuler, France voudrait sentir que son père l’aime autant qu’il aime sa sœur, et qu’il soit fier d’elle.

Pour trois scènes d’intimité (dans le parloir de la prison), Les bonbons… présentent seulement deux scènes de groupe où l’on retrouve France en permission dans sa famille, autour d’une "bouffe de maison". C’est là, dans la cuisine parentale, qu’éclatent les observations lucides de Boucher sur une société bien installée dans son petit confort et qui discute du monde entier (des événements du 11 septembre, entre autres) à grands coups de préjugés, de lieux communs, seulement pour jaser et faire passer le temps avant la prochaine partie de golf. Tout ce babillage incessant autour de drames humains qui ne deviennent que des prétextes pour de mauvaises blagues. Tout ce caquetage réconfortant pour éviter de se remettre en question, pour justifier l’inaction, et surtout, pour contourner l’essentiel: l’impossible réconciliation familiale. Personne, y compris France, ne sait comment rétablir la communication, ni comment dire ses besoins et ses craintes.

Bref, la charge est forte, et nous sortons de cette pièce en silence … du moins pour un temps. Les bonbons qui sauvent la vie, c’est le spectacle qui continue, même si rien n’est simple, même si nous n’arrivons pas toujours à aider notre prochain.

Le jeudi 12 mai
À l’Auditorium Dufour