Amour et protubérances : Le temps des bouffons

En septembre dernier, le Théâtre Les Porteuses d’Aromates signait sa troisième création. Après En vie de femmes et Condamnée à aimer la vie, la compagnie réaffirmait son désir de "créer un art où le corps et l’esprit jouent de ruses". Irrésistible fable pour bouffons, Amour et protubérances est le résultat d’une fructueuse collaboration entre Marcelle Dubois, auteure, et Jacques Laroche, metteur en scène et expert ès bouffons. Grâce à eux, ces jours-ci, La Petite Licorne est sous l’emprise de trois créatures hautes en couleur!

Libre et subversif, voilà comment qualifier l’art du bouffon. Bien que physiquement repoussante, la bête s’avère diablement intelligente, formidablement vive et d’une irrévérence tout simplement jouissive. Dans l’arène, deux femelles et un mâle aux prénoms judicieux – Fatale, Pathos et Testos – affrontent leurs personnalités contradictoires. Affranchis de toute censure, les bouffons expriment avec délectation ce que l’humain s’échine à dissimuler. Exhibant fièrement leurs disgracieuses protubérances, accomplissant des acrobaties furieusement lubriques et osant dire tout haut ce que plusieurs n’osent penser tout bas, ces créatures enthousiasment.

Pour décrire les rivalités sentimentales de ses trois protégés, Dubois trempe allègrement sa plume dans le vitriol. Offrant une satire féroce des rapports hommes-femmes, la pièce expose, une à une, les demi-vérités de la vie à deux. Dotée d’un humour pétillant, experte du jeu de mots bien placé, l’auteure émaille également son texte de superbes moments de rêveries poétiques. Réglée au quart de tour, la mise en scène de Laroche témoigne de sa grande maîtrise d’un genre peu pratiqué chez nous. Valérie Beaulieu, David-Alexandre Després et Érika Gagnon livrent une interprétation remarquable. Leur exceptionnelle agilité physique n’a d’égale que la fougue et la précision de leur jeu proprement dit. Sous des dehors de légèreté, Amour et protubérances offre une réflexion sur la nature humaine plus révélatrice que bien des échanges à caractère réaliste. Gageons que les spectateurs seront de plus en plus nombreux à se reconnaître dans le miroir que ces bouffons leur tendent.

Les 8 et 11 mai
À La Petite Licorne

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