Marianne Desjardins : Esprit sportif
L’artiste interdisciplinaire Marianne Desjardins, révélée par la pièce La Traversée de l’Atlantique l’année dernière, propose maintenant The Green, un objet théâtral inspiré de l’univers sportif.
Marianne Desjardins est probablement l’une des jeunes créatrices les plus intéressantes du moment. La version originale de sa pièce La Traversée de l’Atlantique offrait au spectateur une expérience poétique tout en le confrontant à une nouvelle appropriation de l’espace théâtral. Cette fois-ci, la jeune femme diplômée en beaux-arts et en arts interdisciplinaires s’intéresse au commentaire social du sport.
"De prime abord, le sport ne m’attire pas du tout, je n’y ai jamais prêté d’attention, souligne-t-elle, amusée. J’étais plutôt intéressée par les conflits internes d’une équipe, le fanatisme et le patriotisme d’un rassemblement de gens. Mais je ne peux pas nier que le sport est le théâtre contemporain. Il y a tellement de gens qui se déplacent pour en voir! Je me suis donc demandé ce qui pouvait susciter autant de passion humaine. Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est le fait que les gens s’associent aux sportifs, à l’équipe. De partisans, ils deviennent participants. Au théâtre, on se fait simplement raconter une histoire. Mais dans le sport, il n’est pas rare d’entendre: "On" a gagné! Les supporters s’incluent dans l’action qui leur est présentée", analyse celle qui a décidé de suivre de près l’équipe de rugby de Concordia à des fins de… recherche. "Je me suis retrouvée à observer les comportements d’une équipe mais aussi ceux de la foule qui la regardait."
Le théâtre ayant la même structure de base, la créatrice interdisciplinaire a donc cherché à y transposer le fruit de son exploration par l’entremise d’un jeu inventé de toutes pièces et d’une équipe de neuf danseurs et comédiens issus entre autres de la formation Dynamo Théâtre. "The Green", équipe composée notamment de son pisteur arrière, de son stoppeur et de son centre sud, affrontera donc une équipe rivale, mystérieuse, lors des représentations. "Le commentaire social du sport est beaucoup plus intéressant que le sport en lui-même. On y crée des stars, on y réagit de façon disproportionnée, on le commercialise. Le défi, c’était de garder au théâtre cette énergie constante, typique du sport. Il fallait aussi sentir qu’une partie évolue. Par contre, la représentation d’un jeu, même réglé et créé de toutes pièces, ne suffisait pas. Je trouvais important de garder une part d’abstraction comme on en retrouve dans la danse. Le réel travail de création artistique fut dans cet équilibre-là." Desjardins amalgame donc à son discours théâtral un langage chorégraphique puisé à même la gestuelle sportive.
Outre les interactions des joueurs lors du match, la pièce retracera les mouvements de foule et les tribulations d’une équipe de meneuses de claque. Une façon pour Desjardins de pousser plus loin son regard critique des mouvements collectifs. "J’ai remarqué que les mouvements collectifs s’auto-alimentent. Par exemple, une foule qui s’enflamme devant des cheerleaders peut entraîner celles-ci à répondre collectivement de façon démesurée. La même chose se retrouve bien sûr dans les mouvements d’une équipe galvanisée. La collectivité dénature souvent l’individu."
Dans la lignée de son exploration des divers espaces, Desjardins en a profité pour réfléchir également à la place de l’imaginaire en publiant un journal complet sur l’équipe fictive. "Sans emmener le théâtre dans la rue, est-ce qu’on peut y transporter ne serait-ce qu’une partie de sa fiction? Ce sont là des questions qui m’intéressent…" www.thegreen.ca.
Du 18 au 21 mai
À la Cinquième Salle de la Place des Arts
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