Rabelais : Tirer la langue
Scène

Rabelais : Tirer la langue

Avec Rabelais, une pièce signée Patrick Drolet, Olivier Kemeid et Alexis Martin, on trouve un condensé de la pensée du père de Gargantua, mais surtout son esprit, son humour.

C’est une immense farce qui part du ventre. Avec Rabelais, l’esprit de l’auteur qui fit la transition entre le Moyen-Âge et la Renaissance est tellement bien digéré par les créateurs de la pièce qu’on se permet de ramener, avec finesse et doigté, l’essentiel de son enseignement à la réhabilitation des fonctions primaires et jouissives: boire, manger, baiser. Et quand on avale de la sorte l’univers d’un personnage aussi intense qu’intéressant, forcément, il en sort quelque chose. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il se dégage beaucoup de matière de cette pièce comique qui présente l’éducation d’une vie comme on pourrait analyser le système digestif.

Tout tourne autour de Québecua (Olivier Aubin), nouvel élève de Panurge (Alexis Martin), créé de toutes pièces par les auteurs qui ont vu dans la fascination de Rabelais pour les écrits de Jacques Cartier l’occasion rêvée de parfaire l’éducation du nouveau personnage par un voyage en Nouvelle-France. Rabelais serait le premier écrivain français à employer le mot "Canada" dans le Quart Livre qui se passe en partie dans une île qui serait, vraisemblablement, Terre-Neuve. Dans les différents tableaux qui montrent les étapes importantes de l’évolution de Québecua, apparaissent plusieurs personnages joués tour à tour par Simon Rousseau, Drolet et Kemeid, et l’excellente Marie-Josée Bastien. Tous répondent avec brio aux exigences de la proposition qui est de nous faire rire et réfléchir, tout en évoquant la démesure en tout point. On fait l’éloge du savoir, de la langue, de la science, mais aussi de l’érection et de la mangeaille, sans cacher que tout corps doit aussi évacuer.

À l’image du travail de Rabelais, le texte est truculent, on pourrait même dire "juteux", truffé de néologismes et de jeux de mots où alternent archaïsmes et anachronismes (voulus!). La langue est facile à comprendre (les comédiens gardent l’accent québécois, proche du vieux français) et le défi est de ne pas perdre les allusions et les subtilités entre deux pouffées de rire. À voir pour le jeu savoureux des comédiens et l’intelligence du texte.

Jusqu’au 14 mai
À l’Espace Libre

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