L’Autoroute : Jouer dans le trafic
La pièce L’Autoroute sera étudiée par trois metteurs en scène d’expérience, de générations et de provenances différentes. Rencontre avec le doyen, Michel Tanner.
Dans le cadre de la 6e édition du Laboratoire de mise en scène du Trillium, trois têtes se pencheront sur le drame poétique de Dominick Parenteau-Lebeuf, L’Autoroute, qui raconte l’histoire tragique de Mouche, une jeune fille de 10 ans qui se retrouve seule avec son père à la suite du départ inattendu de sa mère. Le Laboratoire se dessine comme suit: la metteure en scène Marie-Ève Chassé se concentrera sur la première partie du texte avec les comédiens Richard Léger et Sarah Pellerin; Michel Tanner s’attaquera à la seconde partie avec Marc Agostini et Chloé Pellerin; enfin, Kira Ehlers s’occupera du dernier tiers de la pièce avec Yves Turbide et Dalal Hanna. Les trois équipes auront également à proposer leur propre version de la finale.
Cet exercice consiste surtout pour Sylvie Dufour, directrice artistique du Trillium, à mettre en lumière la démarche de la mise en scène, qui est souvent méconnue du public, "voire incomprise". Pour ce laboratoire, le choix de Michel Tanner, le directeur artistique de la Fabrique de théâtre en Belgique, ne faisait nul doute dans l’esprit de la directrice, elle qui prévoit une collaboration prochaine avec celui-ci. Et c’est la proposition de ce dramaturge qui risque de susciter le plus de réactions lors des représentations. "Je crois que la proposition de personnages que je fais sera… non pas choquante, mais confrontante. […] J’aime que les gens aiment et n’aiment pas ce que je fais pour les mêmes raisons. Les spectacles que je commets d’habitude, les gens adorent ou détestent, ou alors sont mitigés, ça dépend de la toxicité du spectacle, mais ils adorent et détestent pour les mêmes raisons. Ils disent: "on ne peut pas faire ça avec un texte" ou "il faut faire ça avec un texte"", explique-t-il attablé dans un studio de la Nouvelle Scène.
Le Théâtre du Trillium a fait appel au programme de concentration en théâtre du Centre d’excellence artistique De La Salle pour le choix des trois jeunes comédiennes, âgées de 16 ans, qui interpréteront le personnage de Mouche. "Je suis très dirigiste, très pointilleux, on travaille mot par mot. J’ai une technique de travail qui n’est pas si fréquente que ça pour les Nord-Américains. Il y a des gens qui canalisent; moi, j’indique, mais je ne montre jamais. C’est beaucoup de travail, ça demande beaucoup de préparation", remarque-t-il.
Les trois metteurs en scène, qui ont droit à 40 heures avec les comédiens, se rencontreront à deux reprises lors du Laboratoire pour échanger sur des questions très dirigées, pour ne pas permettre de dérapages. "On doit créer des vases communicants, mais pas influençants, c’est-à-dire que chaque metteur en scène doit poursuivre sa démarche", explique Sylvie Dufour, qui s’est jointe à nous. Après les représentations, des discussions ouvertes suivront aussi, avec le public.
Pour Michel Tanner, c’est une occasion de plus d’approfondir son exploration théâtrale avec ses cousins franco-canadiens: "Cette expérience m’apporte un dépaysement certain; de temps en temps, il faut sortir de chez soi. Ça permet aussi une confrontation avec d’autres formes de formation et d’intelligence. Une humilité par rapport à un grand comédien et une jeune fille magnifique aussi… Le plaisir de rencontrer des amis, de faire du théâtre autrement… Je pense que, chaque fois, c’est comme si je posais une petite pierre sur un grand pont qu’on va faire de part et d’autre de l’Atlantique sur une langue. On est tellement différents avec la même langue! Je pense qu’il ne faut pas gommer les différentes, mais il faut les confronter et on peut essayer de faire quelque chose ensemble sur des points communs et qui existent", conclut-il.
Du 25 au 28 mai à 20 h
À la Nouvelle Scène
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