Danio Manfredini : Divine comédie
Scène

Danio Manfredini : Divine comédie

Dans le cadre du FTA, Danio Manfredini présente Cinema Cielo, l’une de ses rares et précieuses créations.

En vingt ans de carrière, le metteur en scène italien Danio Manfredini a présenté quelques rares spectacles, des œuvres d’une grande subtilité formelle où il est souvent seul en scène. Âgé de 48 ans, le créateur est une figure atypique du théâtre italien. Pourtant, sa réputation est enviable et son parcours d’une intégrité exemplaire constitue une véritable inspiration pour les artistes de la nouvelle scène. Irrévérencieuses, osées, voire provocantes, ses propositions scéniques semblent en mesure de secouer férocement l’indifférence ambiante. "Chacun est libre d’exprimer ses sensations sur le travail théâtral que je présente, déclare le metteur en scène par voie électronique, mais il n’est pas dans mon intention de scandaliser. Je souhaite plutôt explorer les zones d’ombre, celles qui nous échappent et qui ne sont pas reconnues. Les êtres humains qui les révèlent ouvertement ou qui y vivent sont souvent marginalisés. Je voudrais passer outre ces jugements superficiels et y reconnaître quelque chose qui me regarde, moi et plusieurs autres. Réussir à provoquer la pensée, l’imagination, l’émotion, la réflexion… voilà le type de provocation qui m’intéresse."

En 1944, le dramaturge, romancier et poète Jean Genet publie, clandestinement, un roman intitulé Notre-Dame-des-Fleurs. Rapidement, l’ouvrage provoque l’ire des uns et l’admiration sans bornes des autres, notamment Cocteau et Sartre. "Sur une période de 10 ans, je suis retourné lire ce roman de manière obsessive, se remémore le metteur en scène. Il s’agissait d’une lecture consolante. Elle me permettait de regarder un monde fait de cruauté et de désolation avec un regard poétique et de l’accueillir dans ces couleurs parfois grises et d’autres fois éclatantes jusqu’à l’exagération. S’il m’arrivait de rencontrer de la désolation, je me réfugiais dans les mots de Genet, pour voir comment lui-même ou les personnages du roman se comportaient par rapport à elle." Ainsi, en 2003, Manfredini commence à travailler sur Cinema Cielo, une adaptation plutôt libre du roman de Genet. "Il s’agit d’un rapport souterrain, et non d’une mise en scène du roman, précise le créateur. Le lien qui s’établit tient davantage du parallélisme."

Le Cinema Cielo est l’un de ces nombreux cinémas pornographiques qui ont connu leurs belles années de la libéralisation sexuelle à l’avènement de la cassette vidéo. C’est ce lieu que la représentation offre à une galerie de personnages assoiffés de sexe et d’amour. Dans la peau d’un travesti "qui n’est pas la Divine de Nostra signora dei fiori mais un personnage contemporain, peut-être un héritier de l’expérience existentielle de cette pionnière que fut la Divine de Genet", Manfredini est entouré de trois acteurs, trois complices dans le risque de l’expérimentation. "Ce que les acteurs véhiculent de leur imagination à l’intérieur des personnages qu’ils interprètent est une matière suffisamment imprévisible, explique le metteur en scène. J’ai l’impression que c’est cette matière invisible qui communique avec le public." Prônant un périlleux mélange des genres, Danio Manfredini signe un théâtre qui relève à la fois de la danse, de l’art visuel et de la poésie. Pourtant, le créateur ne se réclame pas d’une quelconque démarche stylistique: "Ce sont des moyens expressifs à ma disposition pour faire vivre la scène. Ce qui m’importe avant tout, c’est de ne pas perdre le flux communicationnel avec moi-même et le public. Bien que la passion du théâtre ait accompagné mes jours au cours des 30 dernières années, je ne sais pas où cela me conduit. Je suis le chemin comme il se présente."

Du 26 au 28 mai
À la Salle Ludger-Duvernay du Monument-National

Voir calendrier Théâtre